Imaginez un monde. Un monde où tout est noir ou blanc. Où ce qui est noir est riche, puissant et dominant. Où ce qui est blanc est pauvre, opprimé et méprisé. Un monde où les communautés s’affrontent à coup de lois racistes et de bombes. C’est un monde où Callum et Sephy n’ont pas le droit de s’aimer. Car elle est noire et fille de ministre. Et lui blanc et fils d’un rebelle clandestin…Et s’ils changeaient ce monde?
Ceci est une relecture. J’ai d’abord lu Entre chiens et loups lorsque j’étais au secondaire et je me souviens à quel point cette lecture m’avait marqué à l’époque. J’avais 15-16 ans, je commençais à peine à comprendre le monde et l’histoire de l’Humanité – particulièrement en ce qui a trait à la traite des Noirs, à l’esclavage et à la lutte pour les droits civiques. J’étais une adolescente noire qui, comme plusieurs autres, était victime de racisme à l’école (par des camarades de classe ET par des professeurs), et qui cherchait sa place dans le monde. Qu’est-ce que ça voulait dire d’être femme, francophone, noire d’origine haïtienne en Amérique du Nord ? Pourquoi donc est-ce que les gens avaient cette fâcheuse tendance à supposer qui j’étais et ce dont j’étais capable simplement en regardant la couleur de ma peau ? J’avais du mal à trouver réponse à mes questionnements: le tout était si intangible et difficile à cerner ! J’avais moi-même du mal à exprimer ce que je ressentais vis-à-vis tout cela, mais la frustration et le malaise que je ressentais face aux inégalités et au racisme étaient bien réels. Entre chiens et loups a été un véritable exutoire pour moi. Un autre monde était possible ! Et même si le monde dans lequel Sephy et Callum évoluent n’était pas réel, il me faisait réaliser que le racisme concerne davantage un système que des individus, que le privilège est quelque chose de réel sur lequel on a bien peu de pouvoir, que la fragilité blanche (« White Fragility ») existe bel et bien et que les microagressions sont sournoises. C’était mes premiers balbutiements vers une meilleure compréhension des mécanismes qui régissent notre société et de ma place dans le monde.
Et puis, l’histoire de Sephy et Callum m’a gardé en haleine du début à la fin. J’ai dévoré tous les tomes de la série et lorsque cela a été terminé, j’étais carrément en deuil ! J’étais triste que tout cela soit fini et j’aurais voulu rester dans l’univers de Malorie Blackman plus longtemps. Ce roman a validé d’une certaine manière ce que je ressentais face au racisme : Au Québec, on aime bien dire que le racisme n’existe pas ici et on tolère mal la chicane ou le conflit. On préfère dire qu’on ne voit pas la couleur ! Combien de fois m’avait-on fait comprendre que la couleur de ma peau n’avait rien à voir avec la manière dont j’étais traitée ? À la longue, ça te met un doute dans la tête ! Pourtant, il y avait bien ces petits gestes, ces petites manières de faire, des petits commentaires glissés ça et là qui me pesaient. À titre d’exemple, il y a un passage dans le roman (p. 70) où une Nihil (une fille blanche, donc) a un pansement marron foncé sur le front qui jure avec la couleur de sa peau. C’est tout bête, on n’y pense pas, mais pourquoi est-ce que tous les pansements disponibles sur le marché sont beiges ?? Bref, Malorie Blackman a mis le doigt sur toutes ces micro-agressions qui vous feront vous lever en plein milieu de votre lecture pour vous écrier « OUI, C’EST EXACTEMENT ÇA!! » Dans le roman, Dieu a la peau noire et les cheveux crépus, les médias parlent des méfaits des nihils en précisant que c’étaient des nihils, mais pas lorsqu’ils sont commis par des Primas, dans les oeuvres de fiction, les Nihils sont des brutes des alcooliques ou les deux… Est-ce que ça sonne familier?
De plus, j’ai bien aimé le clin d’oeil de l’auteure à Matthew Henson, car dans le monde de Sephy et Callum, on se souvient de lui comme étant le premier à avoir atteint le pôle nord géographique, mais pas du Blanc (Peary) qui l’accompagnait dans son expédition dans le nord. C’est tout le contraire qui s’est passé dans la réalité !
J’ai adoré suivre l’histoire parallèlement du point de vue de Sephy et de celui de Callum. Ce roman jumelle habilement histoire d’amour, fresque historique, tourments adolescents, passage à l’âge adulte et critique sociale et politique. Un incontournable. Ne passez pas à côté !
* Ce roman a reçu de nombreux prix.
Coup de coeur !
Malorie Blackman est une auteure britannique.
Auteur(s) / illustrateur(s) : Malorie Blackman
Maison d’édition: Milan
Année de publication: 2011
ISBN: 9782745957252
Public cible: Ados
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J’avais adoré cette trilogie quand j’etais plus jeune 😀
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Bonjour Nom d’un bouquin ! Moi aussi ! Ça vaut la peine de la relire à l’âge adulte, maintenant qu’on voit les choses d’un oeil différent 🙂
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Bonsoir 😀 j’imagine oui 🙂 faudrait que je me les relise du coup 😛
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Je veux lire cette série depuis que j’ai lu l’adaptation BD qui se trouve dans mon CDI. Je ne garde un souvenir ni mauvais ni particulièrement bon de cette adaptation mais j’ai aimé l’idée de la ségrégation inversée doublée d’un amour à la Roméo et Juliette, et quand j’ai su que c’était à l’origine une série de romans, je me suis dit que ça vaudrait la peine de les lire, tu me confortes… Malheureusement je manque cruellement de temps. Un jour peut-être…
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J’ai lu aussi cette saga étant ado, et ça avait été une grosse claque. Ce livre m’a permis de prendre réellement conscience du racisme systémique. L’exemple que tu prends du pansement a été un déclic aussi !
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Bonjour Boldreadings ! Cette lecture m’a beaucoup marquée aussi et cela a été un plaisir de la relire. Cela fait déjà 10 ans que le livre est sorti en version originale et il est toujours d’actualité !
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Bonjour,
Mallory Blackman est une autrice/auteure britannique et non américaine.
Bien que les couvertures de la seconde édition soit intrigantes , je n’ai pas eu l’occasion de lire l’œuvre ni de voir l’adaptation télé Noughts + Crosses produit par la BBC en 2020.
A envisager avec éventuellement en complément le quatrième tome « Entre les lignes ».
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