Être soi-même une minorité visible et/ou élever des enfants issus d’une minorité visible amène son lot de défis auxquels les enfants blancs n’auront pas à faire face. Les livres sont un moyen idéal pour insuffler aux enfants de descendance africaine ou caribéenne une plus grande estime d’eux-mêmes en les exposant à des images positives de personnages vivant des aventures extraordinaires ou menant une vie ordinaire, et qui leur ressemblent. La diversité, d’accord, mais pourquoi est-elle si importante?
Par Mistikrak! Littérature Jeunesse.
Les personnages noirs, les oubliés
Chaque année, des centaines d’albums jeunesse et de livres d’images sont publiés au grand bonheur des tout-petits et de leurs parents. Cependant, moins de 3% des livres jeunesse publiés en 2013 aux États-Unis mettaient en scène des personnages noirs.[1] Plus encore, seulement 5% des livres pour enfants publiés chaque année aux États-Unis sont écrits par des personnes non-blanches.[2] En Angleterre, seulement 1% des livres jeunesse contiennent un personnage issu d’une minorité ethnique. [3] Au Québec également, peu de livres d’images ayant des Noirs pour personnages principaux ou secondaires se retrouvent sur les tablettes des nouveautés en librairies et en bibliothèques publiques.
Favoriser L’éveil à la lecture
Le livre et la lecture contribuent au développement global des enfants. Or, les livres jeunesse proposant aux enfants noirs un miroir d’eux-mêmes et une exploration de qui ils sont, de ce qu’ils peuvent devenir et de ce dont ils sont capables, sont peu nombreux comparativement aux livres jeunesse mettant en avant plan des enfants blancs. Les raisons de ce constat sont bien sûr diverses, mais citons notamment le racisme ordinaire bien présent dans la société occidentale, que Pénélope Bagieu résume assez bien par une expérience personnelle dans le domaine de la publicité. [4] La quasi-absence d’enfants issus de la diversité culturelle et ethnique en littérature jeunesse est un constat qui n’avantage personne. Alors que les enfants blancs ont plus difficilement l’opportunité d’être introduits à la diversité culturelle et ethnique, les enfants noirs peinent à être exposés à des images qui reflètent leur identité. Pourtant, nous vivons dans une société très diversifiée. À Montréal, par exemple, le tiers de la population s’identifie à une minorité visible ou à un groupe autochtone. [5] L’un des premiers pas vers une maîtrise la communication interculturelle est pour l’enfant la rencontre de la différence dans un livre.
Contrer l’invisibilité des personnes racisées
La littérature jeunesse transmet des valeurs aux enfants et constituent bien souvent pour eux une porte d’entrée pour appréhender le monde et son humanité. Quel message envoie-t-on lorsque certains enfants sont si peu représentés dans ces livres? Quel message envoie-t-on lorsque les personnages blancs sont considérés comme étant la norme et leurs expériences comme étant universelles, alors que les enfants non-blancs sont considérés comme étant la variation et leurs expériences applicables qu’aux enfants non-blancs? [6] Étant minoritaires, les enfants noirs construisent leur identité raciale différemment que les autres enfants. Lorsque les enfants ouvrent la télévision, vont au cinéma, lisent un livre, vont au théâtre et, à répétition, ne voient pas de miroir d’eux-mêmes, le danger bien réel est que ces enfants finissent par se sentir invisibles.[2] Une représentation saine de garçons et de filles noir.e.s dans la littérature jeunesse peut participer à leur épanouissement et leur permettre de « décoloniser leur imagination », comme le dit si bien l’auteure Zetta Elliott.[2] Encore faut-il trouver ces livres, ce qui n’est pas nécessairement chose facile.
Raconter des histoires du quotidien
Il existe beaucoup d’albums jeunesse mettant en scène des personnages noirs qui abordent des sujets tels que l’esclavage, le racisme, la migration ou la discrimination. Ces histoires sont importantes et plusieurs d’entre elles sont d’ailleurs critiquées sur mistikrak.ca. Toutefois, l’expérience identitaire de l’enfant noir va au-delà de l’esclavage, du racisme, de la migration ou de la discrimination. Pour se découvrir pleinement, exposons-les aussi à des histoires de dragons, de sorcières, de fées magiques, de princesses, de super-héros, d’animaux, de familles, d’amour, d’amitié et de victoires où les personnages principaux les ressemblent. Exposons aussi les enfants blancs comme noirs à des histoires où la couleur de la peau n’est qu’un détail pas plus important que la taille ou la couleur des yeux. Apprenons-les à être ouverts sur le monde et développons leur sens critique. Lisons à nos enfants des histoires inspirantes et pleines d’aventures qui ouvrent le dialogue sur la diversité culturelle et ethnique tout en les aidant à s’épanouir sainement.
[1] Why so few minority characters in kids’ literature?
[2] Zetta Elliott on Diversity in Children’s Books
[3] Pourquoi les minorités sont si peu représentées dans les livres pour enfants ?
[4] Pénélope Bagieu dénonce le racisme dans l’industrie de la publicité
[5] Montréal néglige la lutte contre la discrimination et le racisme, dénonce un rapport
Merci pour cet article !
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