
Après le décès de sa mère, Marie, 18 ans, apprend que celle-ci enquêtait sur une entreprise fabriquant des smartphones. Avec l’aide de Léo, un jeune hackeur, et de sa marraine, une reporter italienne, elle remonte la piste d’un trafic de minerais rares en Afrique. Elle découvre que son père y a été assassiné avant sa naissance et que la mort de sa mère n’était pas probablement pas accidentelle.
« Coltang Song » est le premier volet des aventures du Collectif Blackbone qui porte sur les « minerais du sang » en Afrique: la cassitérite (le minerai de l’étain), le manganèse, la tourmaline, le diamant, etc. Les populations qui exploitent ces minerais, généralement en République Démocratique du Congo, le font au péril de leur vie et de leur santé. À travers une enquête journalistique très fouillée, un enjeu écologique est traité en mode thriller pour faire le plein de frissons. L’une des auteures est d’ailleurs journaliste et on retrouve dans le texte des liens vers des articles de presse sur les enjeux entourant les extractions minière en Afrique.
Le récit a un rythme bien soutenu et ne manque pas d’action. Les auteurs nous font aller du présent au passé à plusieurs reprises et de manière aléatoire. Certains chapitres se déroulent en 2000 en Sierra Leone où on découvre ce qui s’est passé avec Irène, journaliste de guerre tentant de survivre après avoir été témoin du meurtre de son mari. D’autres chapitres se déroulent en 2018 où on suit la fille d’Irène, Marie, qui vient de perdre sa mère dans un accident nébuleux et tente de continuer le travail de sa mère. D’autres chapitres encore se déroulent en 2003 dans l’enfance de Marie, élevée seule par sa mère. Ces allers-retours dans le temps se révèlent assez mélangeants par moments, d’autant plus que le roman est aussi séparé en 3 parties.
Au niveau de la représentation raciale dans ce roman, le personnage principal, Marie, est une adolescente métissée: sa mère est européenne et son père, africain. Elle est issue d’une relation d’amour, quoi qu’éphémère puisque son père a été assasiné avant sa naissance, peu de temps après avoir rencontré Irène. C’est dommage que le père de Marie soit absent de la vie de sa fille car c’est souvent ce genre de représentation qu’on a des hommes noirs: des pères absents, emprisonnés, séparés de leur conjointe, partis à la guerre, drogués, travaillant trop pour participer à la vie familiale ou tout simplement morts. Bien sûr, c’est l’histoire que les auteurs voulaient raconter, mais je n’ai pas pu m’empêcher de me dire « Bon, encore un. » en lisant ce roman. Dommage. Tout au long du roman, on sent bien que Marie souffre de ne pas connaître son héritage noir et de ne pas avoir connu son père. Sa vie n’est pas facile: orpheline avant d’avoir la majorité, elle a aussi perdu sa grand-mère dont elle était très proche.
La première description de Marie, le personnage principal, arrive en page 25 où on écrit qu’elle enviait les « cheveux blonds brillants et doux de sa mère » et que « ses cheveux à elle sont sombres et crépus – héritage de son père » (p.25). Rien de bien positif, donc, car on positionne encore une fois le cheveu blanc comme étant l’idéal à atteindre. Marie a aussi grandi à Bouillac, une minuscule communauté au sud de la France dans laquelle elle était la seule personne non blanche. Sa couleur de peau est donc devenue centrale à son identité et on répète souvent dans le texte que Marie est différente des autres à cause cela:
- « Elle était la seule métisse de Bouillac » (p. 13);
- Léo, un hacker qui l’aidera à élucider le mystère de la mort de sa mère, ne croira pas que Marie est la fille d’Irène à cause de sa « peau sombre » et de ses cheveux crépus (p. 56);
- Marie a subi dans l’enfance les « réflexions désagréables à l’école ou dans la rue […] quand la couleur de sa peau lui attirait des regards curieux, haineux ou méprisants » (p.99).
- Chaque fois qu’on offre une description de Marie, c’est au sujet de sa « peau sombre » (p. 56, 104) qui « hésite entre l’or et le noir » (p.205), de sa chevelure « épaisse » (p.205), crépue (p.25, 56), ou encore de son métissage (p.207).
- Marie est perçue comme une « princesse noire » par Léo qui semble tomber amoureux d’elle (pas une princesse ni une princesse courageuse ou intelligente ou drôle ou déterminée. Une princesse noire) (p.214).
- Elle est même traitée de « sale n*gresse » en p.118.
Bref, Marie semble réduite à son identité raciale, comme si c’était l’élément principal de sa personne. De plus, son héritage métissé et sa couleur de peau ne sont jamais posés comme quelque chose de positif ou normal. C’est toujours une mauvaise chose, ou un trait pas comme les autres, anormal. Même le méchant de l’histoire semble mieux développé que Marie en terme de description physique et de personnalité! Et ce n’est pas que la race de Marie qui est exoticisée. À un moment, alors qu’elle fait le grand ménage dans les affaires de sa mère décédée, elle aperçoit un jeune couple noir en train de fouiller dans ses poubelles:
« Elle porte une robe en wax et de longues boucles d’oreilles en bois. Son mari est vêtu d’une sorte de boubou coloré et d’un pantalon. Un instant, Marie se dit que ce couple à la peau noire détonne un peu dans cette banlieue plutôt chic. Puis, comme toujours, la bêtise de cette pensée la frappe de plein fouet. Toi aussi, tu détonnes! lui lance son cerveau. Et, comme toujours, Marie, métisse élevée dans un milieu très blanc, se mord les lèvres en se demandant à quel bord elle appartient. Elle s’en veut des pensées plus ou moins racistes qui la traversent, comme si elle avait intégré les préjugés du petit village où elle a grandi. Elle se souvient du visage peiné de Franou quand, toute petite, elle avait réclamé pour Noël une poupée « blonde et jolie, pas noire ». Orpheline et sans identité, ironise la petite voix dans sa tête. Quelle tristesse… (p.28-29)
Ainsi donc, même les seuls autres personnages noirs du livre – des personnages tertiaires sans aucune incidence sur l’histoire! – sont posés comme étant des Autres, différents de la normalité. Ils ont l’air davoir immigré récemment (du moins on le suppose par leurs vêtements non occidentaux), et ils se retrouvent dans une communauté de moins de 500 personnes à faire les poubelles… Ugh. Je souligne au passage qu’aucun des quatre auteurs du roman n’est racisé.
Le sujet du livre est vraiment intéressant et j’ai quand même été sensibilisée aux enjeux environnementaux et sociaux entourant l’industrie des cellulaires et autres appareils intelligents que nous avons tous. Mais juste pour la représentation pour le moins maladroite du personnage principal, je ne peux pas en recommander la lecture.
Le deuxième volet des aventures du Collectif Blackbone, intitulé « Fashion victim », porte sur les coulisses de la mode. C’est un thriller qui offre une réflexion sur les nouveaux médias, le rôle des journalistes, et les conditions d’exploitation des ouvriers dans les usines textiles. Il est sorti en librairie en août 2020.
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Collectif Black Bone (tome 1): Coltan song
AUTEUR(S): Marie Causse, Emmanuelle Urien, Marie Mazas & Maylis Jean-Préau
ÉDITION: Nathan, 2020
ISBN: 9782092591086
PRIX: 24,95$
14 ANS ET PLUS

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