Naïma et la magie du cirque

Naïma et la magie du cirque (Kinra Girls)Chez Naïma, la vie est gaie, entre des parents aimants et quatre petits frères turbulents. Pourtant, l’argent manque souvent… Alors, quand vient son anniversaire, Naïma ne s’attend pas à ce que son rêve se réalise : des cours à l’école du cirque ! Ce sera le début d’une grande aventure.

Les Kinra Girls sont cinq jeunes filles talentueuses venues des quatre coins du monde. Loin de chez elles, elles vont comparer leurs différences culturelles et devenir amies pour la vie. Dans La magie du cirque, on découvre l’histoire de Naïma avant leur rencontre. Je n’ai pas lu les autres titres des Kinra Girls en entier; sachez que ce titre se lit très bien indépendamment des autres.

Naïma est américaine. Son père est blanc et sa mère, noire. Cette dernière est originaire du Bénin et transmet régulièrement à ses enfants la culture de se pays: la langue fon, la caleta (danse de rue enfantine), les contes traditionnels, etc. La famille est nombreuse et a des soucis financiers. On dit d’ailleurs que le père se rend au travail à vélo, non pas par choix ou conscience écologique, mais parce qu’il n’a pas les moyens de s’acheter une voiture. 

Naïma est entourée de personnages d’origines diverses qui se soucient d’elle et avec qui elle entretient des liens sains: la voisine haïtienne qui lui chante des chansons traditionnelles et lui raconte des histoires de son pays, Fat Eddy le patron (blanc) de son père qui travaille à Coney Island, ou encore Funny Billy un afro-américain qui l’initie aux arts du cirque. Devant son talent naturel pour cette discipline, d’autres enfants commencent à éviter Naïma par jalousie. Le récit se termine toutefois avant que l’on sache comment Naïma vit cette situation. D’ailleurs, le récit, lent au début et précipité à la fin, manque d’une ligne directrice claire. On parvient tout de même a bien cerner le personnage de Naïma auquel on s’attache sans difficulté. En fin d’ouvrage, on retrouve un dossier « pour en savoir plus » où l’on parle du boubou (vêtement traditionnel) et de la tradition orale africaine.

L’univers dans lequel évolue Naïma est somme tout assez genré, et on réitère régulièrement qu’elle est une fille par toute sorte de petits clins d’œil sur ce qui est approprié ou pas pour elle de faire. Par exemple, à à l’école, ses deux frères font toujours semblant de ne pas la voire car « on ne parl[e] pas aux filles devant les copains. C’est la honte, quoi! » (p.94) Naïma n’est pas dérangée par cela et trouve cela normal. Autre exemple, on lui dit de ne pas faire la roue car elle porte une jupe (alors qu’on aurait pas l’idée de surveiller et contrôler la manière dont les garçons s’habillent ou ce qu’ils font). Troisième exemple: alors qu’un garçon (Rico) cherche la bagarre après avoir provoqué Naïma, un intervenant lui dit: « Tu ne dois pas frapper les autres, surtout pas une fille qui t’arrive à l’épaule » (p.98) C’est bien sûr à Rico de s’excuser, mais il dit simplement qu’il la pardonne (!). Naïma se défend en disant que c’est à lui de s’excuser, mais l’intervenant dit qu’au moins, Rico a « fait un effort ». Ainsi, il est acceptable pour un garçon de se montrer violent; l’important est qu’il « fasse l’effort » de se contrôler. Eh, misère…

[SPOILERS] Plus loin dans le récit, Rico tourmente Naïma et va même jusqu’à lui empoigner le bras. La jeune fille se libère de son emprise et se met à courir. Alors que Rico est à sa poursuite, il trébuche et se retrouve les pieds dans le vide du haut d’un immeuble de six étages. Naïma ne peut se résoudre a le laisser tomber à une chute qui lui serait mortelle et elle décide de lui venir en aide. Gêné et reconnaissant, Rico se traite lui-même de « gros nul » et affirme que toute personne qui s’en prend à Naïma ou lui fait des problèmes aura désormais affaire à lui. Ce qui m’a dérangé dans ce passage, c’est qu’à aucun moment Rico ne s’excuse de son comportement macho et violent. De plus, il demeure agressif envers les autres; ce n’est que Naïma qui sera épargnée car elle lui a sauvé la vie. Pis encore, Naïma aura beau lui dire que sa protection n’est pas nécessaire, Rico continuera de la suivre partout contre son gré, de se mêler de ses affaires et de la surprotéger. Bonjour l’absence de consentement. [FIN SPOILERS]

Bref, Naïma et la magie du cirque est un roman intéressant avec des personnages réalistes, mais qui véhicule des messages auxquels je n’adhère pas. Parents, vérifiez si ces messages vous conviennent ou préparez-vous à discuter de cette lecture avec votre enfant avant de lui offrir ce roman. Après tout, tout se lit; mais une bonne discussion sur ses lectures permet parfois de relativiser les choses et constitue un moment d’apprentissage privilégié pour les enfants. À vous de juger.

Auteur(s) / illustrateur(s) : Moka & Anne Cresci
Maison d’édition: PlayBacBouton acheter petit
Année de publication: 2018
ISBN: 9782809661934
Lectorat cible: 8 à 12 ans
Vous aimerez peut-être: Lili-rose veut être gentille, un album jeunesse ayant pour personnage principal une fillette métisse qui se découvre une passion pour le cirque pour faire face au racisme qu’elle subit.

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2 amies pour la vie ! (1) Un mensonge gros comme ça !

deux amies vie mensonge grosCléo, une jeune fille du CM2 en banlieue parisienne (l’équivalent de la 5ème année au Québec et en Belgique), est bien embêtée par son devoir de français. En voici le sujet: « Décrivez en 15 lignes votre meilleur(e) ami(e). » Sauf que Cléo n’en a pas, de « meilleure amie »… Mensonge, rêve ou vérité? Cléo affirme à ses copines de classe que sa meilleure amie est une princesse. Elles la traitent de menteuse! Comme sortira-t-elle de ce mauvais pas?

L’histoire est classique: Une fille banale mais attachante avec ses soucis d’école. Deux chipies dans la cours de récré. De nouveaux voisins qui emménagent et le début d’une amitié avec la nouvelle qui, bien sûr, ira à la même école qu’elle. Un recette qu’on connait bien, mais qui fonctionne aussi très bien auprès des jeunes. Il sera intéressant toutefois de suivre les aventures des deux nouvelles amies dans de nouveaux titres de la série dont le premier tome met déjà les bases: Chloé Sy et sa famille semblent assez bien nantis, alors que la famille de Cléo beaucoup moins. Le père de Cléo n’est pas dans les parages et sa mère est gérante d’immeuble. La famille de Chloé est originaire de Dakar, au Sénégal. Le chien de Chloé semble jouer pas mal de tours pour pimenter la vie en appartement. Et les deux filles se voient déjà comme les deux meilleures amies du monde.

J’ai trouvé la représentation de la famille Sy positive et éloignée des clichés habituels. Le père se présente en veston cravate, la mère en habits mi-traditionels, mi-occidentaux. Ils sont souriants, sympas, polis et avenants. En attendant de lire la suite, je conseille ce petit roman pour les nouveaux lecteurs: 61 pages de bonheur pleines de couleur qui raviront les 8 à 10 ans. *Soupir* Pas facile d’être en CM2 / 5ème année ! 😉

Auteur(s) / illustrateur(s) : Anne-Marie Pol & Isabelle Maroger
Maison d’édition: Flammarion
Année de publication: 2015
ISBN: 9782081334083
Public cible: 8 à 10 ans
Vous aimerez peut-être: Dans le même genre, il y a Billie du Bayou: Le Banjo de Will, une histoire campée en Louisiane.

Avez-vous lu ce livre à un enfant? Partagez votre expérience dans les commentaires!

Aujourd’hui au Sénégal

aujourd'hui sénégalBocar habite à Pikine, dans la banlieue de Dakar, et prépare en famille le mariage de sa soeur. Le récit de ses rêves et de ses émotions au fil des jours nous fait découvrir le Sénégal d’aujourd’hui. De nombreux volets à soulever et un superbe dépliant panoramique de quatre pages orne le point milieu du livre. À chaque page, une mine d’information documentaires (la cuisine, la famille, le ramadan…) répondent aux questions des enfants.

Au musée, nous avons appris le rôle très important que jouaient les femmes dans la société traditionnelle. M. Ndiaye nous a aussi parlé des femmes signares, ces Sénégalaises de l’époque des colonies qui se mariaient avec des Français. (p.23)

On en apprend beaucoup sur le Sénégal dans ce livre documentaire destiné aux enfants. Le mode de vie, les différentes ethnies peuplant le pays, les traditions, etc. Tout au long du livre, nous lisons le journal d’un jeune garçon toucouleur nommé Bocar vivant en banlieue de Dakar. Le ton est approprié pour les enfants et ils aimeront sans doute le format épistolaire du livre, qui rend la lecture facile et proche de la fiction. De nombreuses capsules d’information accompagnent le texte principal, traitant notamment de la nourriture, l’école, les croyances, la beauté et élégance, l’eau et l’électricité, ou le statut de la femme au Sénégal. Chaque entrée du journal de Bocar est une occasion d’en savoir plus sur la vie au Sénégal et on fini par se sentir très proche du personage principal (on partage ses joies, ses peines et ses déceptions). De nombreuses illustrations enjolivent le tout et cassent le texte parfois dense. Parfait pour l’enfant curieux ou celui qui doit se documenter sur ce pays pour un travail d’école (oral, recherche, etc.)

L’écrivain sénégalais Léopold Sédar Senghor et le poète antillais Aimé Césaire lancent le mouvement de la négritude à Paris en 1939. Ce mouvement intellectuel […] tendait à restaurer l’identité culturelle noire. (p.21)

Auteur(s) / illustrateur(s) : Fabrice Hervieu-Wane, Aurélia Fronty & Florent Silloray
Maison d’édition: Gallimard Jeunesse
Année de publication: 2005
ISBN: 2070501566
Public cible: 9 à 13 ans

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Épaminondas

épaminondas

Épaminondas applique tous les conseils que lui donne sa maman. Il les applique même aveuglément. Voilà pourquoi entre autres sottises, il transporte dans son chapeau du beurre, qui dégouline sur ses cheveux, sur le bout de son nez… ! Moralité : obéir c’est bien, réfléchir, c’est mieux ! Un livre audio.

Hum. Souvenez-vous. Épaminondas était à l’origine un livre plutôt raciste, faisant usage du Blackface, se moquant des noirs, les représentant comme simplets, voire stupides, imitant avec condescendance la diction des Noirs américains. Au temps de l’esclavage, il était commun d’affubler à un Nègre un prénom « blanc » connu et associé à un certain prestige, l’ironie de la chose étant considérée comme une blague particulièrement bonne puisque les noirs était considérés comme étant inférieurs. Épaminondas est le nom d’un homme d’état ayant vécu en Grèce antique, un statut social bien entendu hors de portée à un noir du début du XXè siècle. La version originale, epaminondas originalmaintenant entrée dans le domaine public depuis sa publication en 1907 et disponible en ligne (en anglais), est particulièrement insultante et dégradante. Tant le texte que les illustrations d’Épaminondas et sa marraine étaient teintés de racisme.

Fait intéressant: le livre a été banni dans les années 1960 et 1970 aux États-Unis, en pleine lutte pour les droits civiques. Le livre continue tout de même à être enseigné en classe primaire par des professeurs cherchant à faire « découvrir l’Afrique » à leurs élèves. Il y a des histoires sur l’Afrique bien plus intéressantes et moins insultantes à faire découvrir aux enfants (en espérant que ce blog vous ait donné quelques suggestions de lecture scolaires de meilleure qualité).

À première vue, cette nouvelle édition d’Épaminondas peut sembler dénuée de signification raciale: le Blackface a été remplacé par des personnages noirs au physique ordinaire, vivant en Afrique. Les stupidités d’Épaminondas ont été remplacées par des stupidités un peu moins idiotes que celles présentes dans la version originale. Sauf que les archives sont là. Aujourd’hui encore, peu de personnages noirs sont présents dans les produits culturels et ils sont souvent limités à des rôles et représentations stéréotypées. C’est déjà assez difficile de trouver des livres ayant des personnages noirs, et voilà ce que le marché nous offre. C’est à pleurer.

Un livre à lire? Si on est conscient de l’origine du récit et qu’on s’en sert pour parler avec un enfant mature (ou même avec un adulte) du racisme et du blackface, ok. Si c’est simplement pour lire et faire écouter un livre à un enfant avant d’aller dormir: Je passe mon tour, merci. Je sais bien que d’autres contes africains, afro-américains ou antillais existent et sont plus susceptibles de m’intéresser.

Auteur(s) / illustrateur(s) : Odile Weulersse, Kersti Chaplet, Sara Cone Bryant, Luc Debuire Bouton acheter petit
Maison d’édition: Flammarion Jeunesse
Année de publication: 2015
ISBN: 9782081344341
Public cible: À partir de 4 ans

Vous aimerez peut-être: L’âne au crottin d’or, un conte africain accompagné d’un CD audio.

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