Escape book: La malédiction du Baron Samedi

Dans la peau de l’enquêtrice Samantha, le lecteur tente de retrouver Axman, le fameux serial killer de La Nouvelle-Orléans. Emprisonné dans la demeure d’un magicien fou, il doit faire preuve de logique, d’esprit d’analyse et d’un grand sens de l’observation pour s’échapper.

Ces derniers mois, de plus en plus d’éditeurs ont fait le pari du « escape book », le livre duquel il faut s’échapper en récoltant des indices, des objets et en résolvant des énigmes. Dans La malédiction du Baron Samedi, on suit une jeune enquêtrice nommée Samantha sur la piste d’un mystérieux Axeman dans La Nouvelle-Orléans du début du siècle dernier. J’ai été soulagée de constater que l’auteur n’a pas utilisé la religion vodou simplement pour faire peur. Dès le début du récit, on explique ce que sont les vévés (des symboles associés aux esprits majeurs du vaudou, les loas) :

« Le Baron Samedi est à la fois le dieu, le roi ou le chef des morts, un dirigeant macabre mais festif qui accompagne les défunts dans une fête éternelle, et qui se plaît parfois à torturer les vivants. Il est marié à Maman Brigitte, même si j’ai cru comprendre que dans le vaudou, chacun est le mari, l’épouse, le frère ou la cousine d’un autre. Brigitte est également liée à la mort, et si j’ai moins d’information à son sujet, elle semble nettement moins sympathique et beaucoup plus colérique que son comparse. C’est elle qui veille à ce que les vivants honoretn correctement leurs proches décédés, et on la dit sauvage et particulièrement violente avec ceux qui ne s’y appliquent pas. Marinette, enfin, était une sorcière guerrière qui aurait mené la première grande révolte d’Haïti. » (p.30)

Concernant les déplacements qu’on peut faire, on nous renvoie en annexe de l’histoire principale où l’on retrouve un tableau qui fait la liste des déplacements possibles et autorisés. J’aurais tellement mieux aimé une double page avec une image qui rappelle celle des plateaux de jeux de société; cela aurait eu l’avantage d’être beaucoup plus ludique et limpide. Ou encore, pourquoi pas, une carte grand format détachable. Je pourrais faire ce commentaire pour la plupart des mécanismes de jeu du livre: les déplacements, les choix à faire, les actions à poser, les énigmes à résoudre, etc. Le problème, c’est que ce n’est pas excessivement clair. Pour les néophytes, on s’y perd facilement! Il m’a personnellement fallu plusieurs relectures pour m’habituer au ton et à la forme, pour comprendre que là, oui, j’ai un choix à faire même si ce n’est pas clairement indiqué : « Que choisissez-vous? » ou « Que voulez-vous faire? ». J’avoue même avoir failli abandonner à plusieurs reprises devant ce labyrinthe d’énigmes qui n’en sont pas vraiment et dans ces méandres de faux-choix qui m’ont souvent amenée à des culs-de-sac, des chapitres que je n’avais pas l’autorisation de lire parce que je me suis trompée de numéro alors que je n’avais pas senti que j’avais un choix à faire. Bref! On se prend un peu la tête au début. Mais une fois qu’on réussi à se dépatouiller un peu, c’est génial! Bon, évidemment, on peut aussi lire le livre du début à la fin, ne pas faire de choix, et on comprendrait quand même où l’histoire s’en va. Mais quel intérêt? Si vous n’êtes pas autorisé.e à lire un chapitre, alors, jouez le jeu jusqu’au bout et cassez-vous la tête pour tenter de trouver une solution et passer au chapitre suivant!

Attention! même si les illustrations du livre semblent un peu lisses et enfantines, il s’agit réellement d’un livre pour un lectorat assez mature. Dans La malédiction du Baron Samedi, on est sur les traces d’un tueur en série, tout ce qu’il y a de plus gore. Il y a plusieurs scènes de meurtres et même si dans l’illustrations, on ne voit qu’une chambre avec un peu de sang sur les draps, le texte nous détaille bien les corps démembrés et la violence du massacre qui s’est joué dans la pièce. J’ai trouvé cette dichotomie entre les illustrations et le texte un peu décevante, surtout si on veut lire ce livre pour frisonner un peu. Je sais pas, j’ai pas nécessairement envie de me dire « Oh, c’est mignon » en lisant un survival horror.

Il y a plusieurs fin possibles, et dans plusieurs d’entre elles [SPOILERS] Samantha meurt de manières très brutales, voire sadiques. J’ai haussé les sourcils à plusieurs reprises car j’ai attrapé ce livre en pensant sincèrement qu’il s’agirait d’un livre jeunesse pas méchant du tout. [FIN SPOILERS] Alors, sachez-le: La malédiction du Baron ne s’adresse pas aux jeunes enfants, même s’ils sont bons lecteurs et friands de Escape Books ou de livres dont vous êtes le héros. Les éditions 404 (qui ont publié ce livre) ont aussi une collection d’Escape Books Junior qui pourrait mieux convenir aux enfants.

Cette lecture m’a assurément donné le goût de lire d’autres livres de type « Escape book ». Après, bon, je le répète: ne vous fiez pas qu’à la mise en marché de ce livre, il s’agit assurément d’une lecture pour lecteurs avertis. À découvrir!

La malédiction du Baron Samedi
AUTEUR(S) : Christophe Gérard
ÉDITION: 404, 2020
ISBN: 9791032403525
PRIX: 19,95$
14 ans et plus

Ce livre vous a plu?
Vous aimerez peut-être les escape books pour le plus jeune lectorat avec Le collège Infernal ou Le petit chat de l’opéra. Pour les adolescents, essayez Le cercle de Providence, une bande dessinée d’horreur inspirée de l’univers de H. P. Lovecraft.

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Le voyage de Nyéba

nyeba-voyageLe maman de Nyeba est très malade. Pour la sauver, le grand féticheur réclame une branche de cet arbre rare qui, très loin d’ici, réunit bourgeons, fleurs et fruits. Maligne et courageuse, Nyéba est prête à tout affronter pour sauver sa mère. Un matin, sous l’oeil curieux d’un bel oiseau bleu, elle prend le chemin qui quitte le village…

La maison d’édition Rue du monde nous offre avec Le voyage de Nyéba un très bel album prenant la forme d’un récit initiatique. Les paysages africains sont illustrés à l’aide de couleurs chaudes et de traits de pinceaux maîtrisés. Prévoyez une trentaine de minutes avant de finir la lecture de ce conte, 40 minutes si vous faites deux ou trois arrêts en cours de route pour questionner l’enfant à qui vous faites la lecture, et 1 heure si vous souhaitez pousser la lecture plus loin avec une discussion autour du livre. Ce livre peut être adapté à la lecture avant le dodo. Vous pourriez alors partager la lecture avec votre enfant: vous lisez la majorité du texte, mais l’enfant devra lire les dialogues. Car méfiez-vous, ce n’est pas parce qu’un enfant à atteint l’âge scolaire qui n’appréciera plus se faire faire la lecture.

Le texte est très bien écrit et on se laisse facilement emporter par la plume d’Yves Pinguilly. Le récit se dévoile peu à peu, en plusieurs péripéties qui se succèdent et laissent au pied de Nyéba autant d’obstacle à surmonter avant de pouvoir arriver à ses fins. Extrait:

Un peu plus tard, quand elle tourna la tête, elle vit un très vieil éléphant tout près d’elle. Celui-là s’était éloigné du troupeau, pour mourir sans doute. Nyéba le savait, la mort est un vêtement que les animaux, comme les hommes, doivent porter un jour.

voyage_nyeba_extraitAuteur(s) : Yves Pinguilly & Nathalie Novi
Maison d’édition: Rue du Monde
Année de publication: 2008
ISBN: 9782355040474
Public cible: À partir de 7 ans

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Le petit frère d’Amkoullel

Le-petit-frère-dAmkoullel_Amadou-Hampâté-BâDans un village Bambara du Mali, au début du siècle, Amkoullel assiste à la naissance de son petit frère. C’est l’occasion pour lui de découvrir les rites associés à la naissance : la visite du « Maître du couteau » et celle, effrayante, du « Dieu Komo ».

Voici une belle histoire pour en apprendre davantage sur les coutumes et rituels entourant la naissance d’un enfant au Mali. Magnifique mise en page classique.

Auteur(s) / illustrateur(s) : Amadou Hampâté Bâ & Christian Kingé Epanya
Maison d’édition: Actes Sud
Année de publication: 1991
ISBN: 2841460495
Public cible: 6 à 12 ans

Vous aimerez peut-être: Le nouveau bébé, un album jeunesse mettant en scène une famille noire qui doit acceuillir un petit frère dans la maison. Jalousie en vue!

Découvrez l’auteur malien Amadou Hampâté Bâ (1901-1991)

amadou hampaté ba

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Zékéyé fête Noël

zékéyé noëlLes esprits d’un petit village africain sont fâchés. Un drôle de bonhomme rouge est arrivé dans leur région et ils le prennent pour un rival. Heureusement, Zékéyé et le sorcier sont là pour aider celui qui n’est rien d’autre, en fait, que le Père Noël! À eux trois, ils vont trouver une façon très ingénieuse d’apaiser la colère des esprits.

Trop souvent, les personnages africains dans les livres pour enfants sont représentés à moitié nus, vivant dans un village près/dans la savane, ayant des croyances « étranges », voires « magiques » (les thèmes de la sorcellerie, des esprits et des génies reviennent souvent). Cette mise en commun arbitraire d’éléments stéréotypés réduit les personnages africains à l’exotisme. Et comme la vaste majorité des livres pour enfants mettant en scène des personnages noirs sont « africains » par défaut, cette représentation réductrice ignorant la diversité des peuples noirs fini par heurter les communautés de descendance afro-caribéenne.

J’ai trouvé le ton paternaliste; là encore, une personne blanche débarque pour illuminer un groupe de personnes noires de son savoir (dans ce cas-ci: sur les origines de la fête de Noël). Dans l’histoire, ceux qui connaissent l’histoire du 24 décembre sont blancs et ceux qui ne la connaissent pas – oh, sacrilège! – sont noirs. Du coup, je ne me suis pas du tout identifiée aux personnages de l’histoire. Noël, je connais, bien sûr, mais je ne suis pas blanche! Je suis noire, mais mon expérience du 24 décembre n’a rien à voir avec celle de Zékéyé et des membres de son village. J’ai horreur lorsque les albums jeunesse présentent Noirs et Blancs de manière si diamétralement opposée. En tant que personne noire occidentale, je ne m’y reconnais pas du tout. Et quel message envoie ce genre de représentation aux enfants, très sensibles au monde illustré et qui n’ont pas le recul pour se dire « bah, c’est juste une histoire parmi tant d’autres »?

Point positif: Même si on met de l’avant que Zékéyé est africain, on mentionne tout de même son origine Bamiléké (Cameroun). Au final, je suis assez ambivalente face à cet album. Lu seul, il ne pose pas vraiment problème. Malgré quelques faux pas, le livre est réussi. Zékéyé est un petit garçon vraiment sympathique, les illustrations sont attrayantes, le texte est dynamique et la mise en page agréable. Le problème surgit lorsque 1) trop de livres véhiculent les mêmes tropes et stéréotypes sur les africains et les noirs, 2) trop peu de livres donnent à voir la pluralité des identités noires (à ce sujet, voir les dangers de l’histoire unique de Chimamanda Ngozi Adichie). À vous de juger.

Auteur(s) / illustrateur(s) : Nathalie Dieterlé Bouton acheter petit
Maison d’édition: Éditions Hachette Jeunesse
Année de publication: 2003
ISBN: 9782012245143
Lectorat cible: 4 à 7 ans

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