Sortir d’ici

Jade aime la vie qu’elle mène dans son quartier, entourée de ses amis et de sa mère. Mais cette dernière veut l’envoyer au lycée situé de l’autre côté de la ville, celui où vont les Blancs, les riches ou les élèves pauvres mais brillants, comme elle. Dans cet établissement où elle n’est pas la bienvenue, Jade découvre un monde dont elle ignore les codes.

Vous allez adorer ce roman si vous aimez les récits réalistes et les personnages bien développés. Je me suis tellement reconnue en Jade, dans son discours, ses expériences et ses questionnements. Pourtant, contrairement à elle, je n’ai pas grandi dans un milieu pauvre, ni dans une communauté majoritairement noire, et je n’ai pas eu de bourses d’études ciblée pour les personnes racisées. Pourtant, plutôt que nos différences, c’est bien nos ressemblances qui ont fait en sorte que je m’identifie à ce personnage. Nous sommes toutes les deux noires, avons toutes les deux eu des amitiés mixtes qui ont été bousculées par l’incompréhension de nos amies blanches face au racisme que nous subissons, et nous avons toutes les deux été discriminées au moment d’être choisie pour un programme scolaire d’envergure. Tout lecteur qui a fait face à des difficultés (peut importe leur nature) ou de la discrimination, ou qui s’est questionné sur le privilège, verra en Jade un certain reflet de lui-même. C’est là toute la puissance de l’écriture de Renée Watson: rendre ses personnages vrais, authentiques et imparfaits.

Même si je n’ai pas été d’accord avec tous les propos de Jade, j’ai pu comprendre son point de vue. J’ai aussi compris le point de vue de ses détracteurs. Car l’autrice Renée Watson prend bien soin de montrer les deux côtés de la médaille à une problématique. Lorsqu’elle parle du racisme subi par Jade et sa frustration face aux Blancs qui minimisent sa douleur et sa colère, elle parle aussi des Blancs qui ne savent pas comment réagir et qui se sentent injustement visés. Plutôt que de présenter la fragilité blanche comme un problème qui ne concerne que les Blancs (« qu’ils s’éduquent! » diront certains), Renée Watson présente le point de vue des personnes blanches dans toute sa complexité, et valide tout autant les expériences des personnes noires que blanches. Ainsi, Sam, l’amie blanche de Jade, aura une voix bien à elle et aura l’opportunité de s’exprimer, par exemple, lors de cet échange entre elle et Jade après que leur amitié ait été ébranlée par une succession de micro-agressions:

— Parfois… je ne sais pas… je suis juste mal à l’aise de parler de ce genre de choses. Et je ne sais pas quoi te dire quand quelque chose d’injuste t’arrive. Comme l’autre jour au centre commercial. Je me suis sentie super mal. Mais j’étais censée faire quoi?
— Tu n’es pas toujours obligée de faire quelque chose. Mais quand tu balaies ce que je dis d’un revers de la main comme si je l’inventais ou si j’exagérais, ça me donne l’impression que tu te fiches de ce que je ressens. (p. 287)

J’ai souvent du mal avec les mauvaises traductions françaises des romans anglophones. Mais j’ai trouvé que « Sortir d’ici » était une excellente adaptation du titre original, « Piecing Me Together ». Car c’est bien ce désir de quitter la prison de verre qui l’entoure qui anime Jade tout au long du roman. Sortir d’ici, ce n’est pas nécessairement de quitter sa communauté afro-américaine pauvre, mais plutôt, quitter cet endroit où les opportunités sont trop peu nombreuses. Jade a souvent l’impression que ses chances d’avancement social sont quasi-nulles sans l’aide de personnes plus fortunées. Elle est intelligente, travaillante, déterminée et polyvalente: alors pourquoi est-ce si difficile? Elle intégrera un programme qui offre aux jeunes filles pauvres l’opportunité d’élargir leurs horizons en allant au musée, au cinéma ou en apprenant à bien se nourrir, par exemple. Au sujet de ce programme, Jade sera agacée par le fait qu’on ne lui montre que des choses extérieures à sa communauté, comme si cette dernière n’avait rien à offrir. Et elle n’hésitera pas à le dire. Jade est une forte tête et j’ai aimé cela d’elle. Elle comprend bien que le monde ne semble pas être fait pour elle, que sa mère a beau être pleine de bonne volonté, que ses voisins soient pleins de rêves ou qu’elle soit tout aussi capable qu’une personne plus fortunée (et, accessoirement, blanche), cela ne semble être jamais suffisant pour l’affronter. À ce sujet, elle dit même: « Parfois, j’ai l’impression de partir de chez moi le matin en un seul morceau, riche des baisers de maman qui a placé ses espoirs en moi. Mais quand je rentre le soir, j’ai l’âme en miette. » (p.107). Car Jade subit de nombreuses micro-agressions, ces petits gestes qui se veulent anodins, mais qui heurtent les personnes racisées, et qu’il est difficile de démontrer qu’il s’agit d’attaques. Jade est aussi grosse, et j’ai apprécié qu’une personne grosse soit le personnage principal d’un roman, sans que ce personnage soit malheureux à cause de son poids.

« Je ne sais pas ce qui est pire. Être maltraitée à cause de la couleur de sa peau, à cause de son poids, ou devoir prouver que c’est vraiment ce qui s’est passé. » (p.166)

J’ai pris des tas de notes sur ce roman, j’ai surligné énormément de passages en me disant « Oh, mon Dieu, c’est tellement bien dit » ou « C’est exactement ça! ». Vous devez absolument lire ce roman et me dire ce que vous en avez pensé. Fortement recommandé!

Renée Watson est une autrice américaine.

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Sortir d’ici
AUTEUR(S) : Renée Watson
ÉDITIONCasterman, 2019
ISBN: 9782203185661
PRIX: 28,95$
13 ans et plus

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Ailleurs

Ailleurs amnesty international talents hautsUn album sur les drames, les déracinements et les espoirs des enfants du monde qui rêvent d’un ailleurs. En douze doubles pages, les mots poétiques de David Guyon et les images puissantes d’Hélène Crochemore mettent au jour les drames, les déracinements mais aussi les espoirs qui habitent tous les enfants du monde qui rêvent, où qu’ils soient, d’un ailleurs.

Chaque double page de cet album sur les inégalités sociales met en opposition un enfant d’un pays où la vie est difficile (qu’on imagine comme étant des pays pauvres ou en voie de développement) et un enfant où la vie est facile (qu’on imagine comme étant l’occident). Par exemple: « Dans mon pays, les enfants sont des petits soldats » VS « Dans mon pays, les enfants ont des petits soldats » (jouets avec lesquels jouer).

L’album aborde en faisant usage d’une singulière économie de mots des concepts complexes tels que le privilège, la fracture numérique, la guerre, le travail des enfants, le droit du sol, la nationalité, les inégalités, la pauvreté et la structure familiale. Bien entendu, les personnes qui sont illustrées dans le livre viennent de différents pays: ceux venant de pays non occidentaux ne sont pas toujours noirs et ceux venant de pays riches ne sont pas toujours blancs. De plus, la pauvreté n’est pas toujours là où on le pense: les auteurs ont bien mis en lumière la pauvreté qui existe aussi dans les pays riches.

Chaque double page requiert ainsi qu’on s’y attarde et demande réflexion. Les illustrations offrent un autre niveau de lecture et contextualisent le texte de manière poétique. J’ai beaucoup aimé cet album et il m’a habité plusieurs jours après l’avoir terminé.

Pistes d’exploitation en milieu scolaire:

  • T’identifies-tu plus aux expériences racontées sur les pages de droites ou de gauche? Pourquoi?
  • À la page huit, pourquoi dit-on que « dans ton pays, les nuits sont blanches »?
  • Que dit de notre société la manière dont nous traitons nos pauvres?
  • Aux pages 20-21, on peut lire « Dans mon pays, quand je regarde la mer, je vois la terre. dans ton pays, quand tu regardes la mer, tu vois la mer. » D’après-toi, qu’est-ce que cela signifie?

 

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AilleursBouton acheter petit
AUTEUR(S) : David Guyon & Hélène Crochemore
ÉDITION: Talents Hauts et Amnesty International, 2019
ISBN: 9782362662744
27,95$
11 ANS et plus

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d'un monde a l'autre    lily    moi dieu merci qui vis ici

 

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Cours!

Cours! Davide CaliDepuis qu’il est petit, Ray se bat tout le temps. Maintenant qu’il est au collège, la colère continue à le submerger. Jusqu’à l’arrivée d’un nouveau proviseur qui, au lieu de le punir, lui propose de se battre contre lui.

Quoi ne pas aimer de cet album? Il est tout simplement sublime; je l’ai adoré! Je l’ai lu plusieurs fois au cours des dernières années et chaque fois, j’ai la larme à l’œil. L’auteur a un style efficace et poignant. Il maîtrise parfaitement son récit et nous le livre de merveilleuse façon. L’histoire est courte, mais on a suffisamment le temps de connaître et de s’attacher à Ray ainsi qu’à ce qu’il vit. D’ordinaire, je suis plutôt indifférente aux variations typographiques dans les livres jeunesse, mais dans « Cours!« , elles sont utilisées à bon escient et avec parcimonie, toujours pour mettre l’emphase sur une émotion ou un événement important. L’histoire est comme une boucle: le jeune ray aidé par son directeur d’école, trouvera un sens à sa vie et un moyen de canaliser sa colère. Plus tard, il deviendra lui aussi directeur d’école et prendra sous son aile un jeune étudiant qui lui le garçon qu’il était.

« Cours! » traite de racisme, mais sans tomber dans le piège du sauveur blanc. Le directeur, un homme blond ancien boxeur, aidera le jeune Ray à utiliser la tempête qui tourbillonne en lui pour dépasser ses limites plutôt que de donner des coups aux idiots de l’école. Avec son aide, Ray découvrira comment le sport peut l’aider à grandir et que dans la vie, « parfois il faut juste arriver à la fin, même sans gagner ». Rapidement, le directeur d’école s’efface pour donner toute la place au jeune garçon qui trouvera sa propre voie. De plus, on ne remet pas en question le racisme dont Ray est victime. Il est là, il existe, et Ray souhaite simplement qu’on le considère qu’on un être humain à part entière.

Cours davide cali maurizio quarello 2

Les illustrations participent autant que le texte pour nous raconter l’histoire de ce garçon noir victime de racisme et en colère. Par exemple, le livre s’ouvre sur une illustration d’un homme noir cravaté qui se regarde dans le miroir, annonçant ainsi un flashback, sans que ce soit dit explicitement dans le texte. Le coup de crayon est franc et précis. La palette de couleurs aux tons neutres et feutrés donnent l’impression d’être des photographies de générations passées. J’ai été habitée par ce livre longtemps après l’avoir terminé. Vous DEVEZ absolument le lire!

Pistes d’exploitation en milieu scolaire:

  • Qui est l’homme de la page 1 qui se regarde dans le miroir? Observe son allure: que peux-tu supposer de lui? De quel milieu social vient-il? Quels sont les membres de sa famille? L’homme dit habiter dans un quartier pauvre. En faisant le lien avec l’illustration, penses-tu que c’est toujours le cas?
  • Quel est le lien entre l’homme de la page 1 et le garçon de la page 2?
  • Comment Ray est-il décrit au début du livre?
  • Quels sont les sentiments qui habitent Ray au début du récit? À la fin du récit?
  • Où se déroule l’histoire? Quels sont les éléments qui te permettent de supposer que l’histoire se déroule aux États-Unis?
  • À quelle époque se déroule l’histoire? Comment peut-on le déduire?
  • Pourquoi penses-tu que le directeur Chapman agit si gentiment avec Ray? T’attendais-tu à cette réaction de sa part?
  • Qui sont Joe louis, Sonny Liston, Joe Frazier, George Foreman et Mohamed Ali? À quelle époque vivaient-ils? Quel rôle est-ce que le sport a joué dans la vie de ces personnes (en termes de mobilité sociale, par exemple et de lutte contre le racisme)?
  • Discutez en classe du concept de transmission des valeurs, de la famille choisie, de la filiation.
  • Effectue une recherche à la bibliothèque sur les boxeurs mentionnés dans le texte et sur le contexte social dans lequel ils ont vécu.
  • Relève dans le texte un champ lexical autour de la course (cours, avoir du souffle, foulée, marathon, la piste de course, entraînement, etc.)

Enseignants, vous pouvez aussi amenez les élèves à faire le lien entre le directeur Chapman et la figure du père manquante dans la vie de Ray. Interrogez vos élèves: Qu’est-ce qui confère à Chapman cette figure paternelle? Je vous garantis que cet album aura du succès auprès de vos élèves. Et puis, c’est toujours très intéressant d’exploiter l’album avec des enfants plus vieux (ils sont habitués aux romans, mais les albums, beaucoup moins. Ils seront étonnés de constater que l’album ne se limite pas aux histoires pour la petite enfance!)

 

Cours davide cali maurizio quarello 3

Coup de cœur! 

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Cours!
AUTEUR(S)
: Davide Cali & Maurizio A.C. Quarello Bouton acheter petit
ÉDITION: Sarbacane, 2016
ISBN: 9782848659015
PRIX: 22,95$
10 ans et plus

 

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La saveur des bananes frites

la saveur des bananes frites

Saraphina vit avec son grand frère Jude à Paris dans un foyer pour jeunes étrangers. Quand elle passe devant les grilles de la Cité Paradis et ses beaux appartements, elle ne peut s’empêcher de penser à une autre cité : celle où ses parents ont vécu avant sa naissance, en Haïti, et qu’ils ont dû fuir suite aux « grands combats ». Depuis, la vie ne les a pas épargnés : après la mort de leur mère, Jude et Saraphina ont dû apprendre à vivre seuls. Mais Jude semble profondément attaché à ses racines, alors que Saraphina, née à Paris, préférerait parfois les oublier. Au quotidien, elle s’applique surtout à rendre la vie plus légère. Au collège, elle s’intéresse à tout ; au foyer, elle aide Jude autant qu’elle peut, et rit avec Malik, qui lui fait voir la vie en couleur. Mais quand tout tourne mal, l’horizon du retour en Haïti se dessine peu à peu comme seul échappatoire possible. Comment Jude et Sara parviendront-ils à affronter cette nouvelle page de leur histoire ?

J’avais de grandes attentes face à ce roman et j’ai été plutôt déçue…  Bien que j’aie grandement apprécié la plume de l’auteure, j’ai eu du mal à m’attacher aux personnages. Saraphina en particulier m’a semblé assez unidimensionnelle: sans papiers en France, elle répète souvent qu’elle n’aime pas, ne connait pas et n’est pas intéressée à connaître Haïti. Toutefois, on en sait très peu sur elle, sur ses intérêts, ses qualités, ses défauts, ses forces et ses faiblesses. J’aurais aimé connaître Saraphina en tant qu’humaine complexe et unique ! J’aurais aimé la suivre dans son cheminement identitaire en tant que fille ayant perdu sa mère et son père vivant depuis toujours en France, mais devant retourner vivre dans un pays inconnu.

La représentation d’Haïti m’a également déplu. À la lecture du roman, on retient que ce pays n’est que pauvreté, lenteur et délabrement habité par des gens à la peau si sombre que leur visages semblent avoir été « noircis par la cuisson [d’une] cocotte-minute » (p.107) de la chaleur des tropiques. J’aurais aimé que le roman aborde des éléments plus positifs pour contrebalancer. De plus, le vaudou est peint comme une sorte de pratique magique et mystérieuse se résumant aux poupées piquées d’aiguilles. Au passage, l’auteure n’oublie pas de nous rappeler que les habitants d’Haïti sont des descendants d’esclaves, mais passe sous silence leur lutte pour leur indépendance. Ugh. J’aurais tellement aimé aimer ce roman. Le mieux, c’est peut-être que vous le lisiez pour vous faire votre opinion personnelle. Et puis dites-moi ce que vous en avez pensé!

* Prix de Ravinala Madagascar

Sélectionné pour le Prix des Incorruptibles 2018-2019

Auteur(s) / illustrateur(s) : Sophie Noël
Maison d’édition: Magnard Jeunesse Bouton acheter petit
Année de publication: 2017
ISBN: 9782210963672
Public cible: À partir de 9 ans

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Naïma et la magie du cirque

Naïma et la magie du cirque (Kinra Girls)Chez Naïma, la vie est gaie, entre des parents aimants et quatre petits frères turbulents. Pourtant, l’argent manque souvent… Alors, quand vient son anniversaire, Naïma ne s’attend pas à ce que son rêve se réalise : des cours à l’école du cirque ! Ce sera le début d’une grande aventure.

Les Kinra Girls sont cinq jeunes filles talentueuses venues des quatre coins du monde. Loin de chez elles, elles vont comparer leurs différences culturelles et devenir amies pour la vie. Dans La magie du cirque, on découvre l’histoire de Naïma avant leur rencontre. Je n’ai pas lu les autres titres des Kinra Girls en entier; sachez que ce titre se lit très bien indépendamment des autres.

Naïma est américaine. Son père est blanc et sa mère, noire. Cette dernière est originaire du Bénin et transmet régulièrement à ses enfants la culture de se pays: la langue fon, la caleta (danse de rue enfantine), les contes traditionnels, etc. La famille est nombreuse et a des soucis financiers. On dit d’ailleurs que le père se rend au travail à vélo, non pas par choix ou conscience écologique, mais parce qu’il n’a pas les moyens de s’acheter une voiture. 

Naïma est entourée de personnages d’origines diverses qui se soucient d’elle et avec qui elle entretient des liens sains: la voisine haïtienne qui lui chante des chansons traditionnelles et lui raconte des histoires de son pays, Fat Eddy le patron (blanc) de son père qui travaille à Coney Island, ou encore Funny Billy un afro-américain qui l’initie aux arts du cirque. Devant son talent naturel pour cette discipline, d’autres enfants commencent à éviter Naïma par jalousie. Le récit se termine toutefois avant que l’on sache comment Naïma vit cette situation. D’ailleurs, le récit, lent au début et précipité à la fin, manque d’une ligne directrice claire. On parvient tout de même a bien cerner le personnage de Naïma auquel on s’attache sans difficulté. En fin d’ouvrage, on retrouve un dossier « pour en savoir plus » où l’on parle du boubou (vêtement traditionnel) et de la tradition orale africaine.

L’univers dans lequel évolue Naïma est somme tout assez genré, et on réitère régulièrement qu’elle est une fille par toute sorte de petits clins d’œil sur ce qui est approprié ou pas pour elle de faire. Par exemple, à à l’école, ses deux frères font toujours semblant de ne pas la voire car « on ne parl[e] pas aux filles devant les copains. C’est la honte, quoi! » (p.94) Naïma n’est pas dérangée par cela et trouve cela normal. Autre exemple, on lui dit de ne pas faire la roue car elle porte une jupe (alors qu’on aurait pas l’idée de surveiller et contrôler la manière dont les garçons s’habillent ou ce qu’ils font). Troisième exemple: alors qu’un garçon (Rico) cherche la bagarre après avoir provoqué Naïma, un intervenant lui dit: « Tu ne dois pas frapper les autres, surtout pas une fille qui t’arrive à l’épaule » (p.98) C’est bien sûr à Rico de s’excuser, mais il dit simplement qu’il la pardonne (!). Naïma se défend en disant que c’est à lui de s’excuser, mais l’intervenant dit qu’au moins, Rico a « fait un effort ». Ainsi, il est acceptable pour un garçon de se montrer violent; l’important est qu’il « fasse l’effort » de se contrôler. Eh, misère…

[SPOILERS] Plus loin dans le récit, Rico tourmente Naïma et va même jusqu’à lui empoigner le bras. La jeune fille se libère de son emprise et se met à courir. Alors que Rico est à sa poursuite, il trébuche et se retrouve les pieds dans le vide du haut d’un immeuble de six étages. Naïma ne peut se résoudre a le laisser tomber à une chute qui lui serait mortelle et elle décide de lui venir en aide. Gêné et reconnaissant, Rico se traite lui-même de « gros nul » et affirme que toute personne qui s’en prend à Naïma ou lui fait des problèmes aura désormais affaire à lui. Ce qui m’a dérangé dans ce passage, c’est qu’à aucun moment Rico ne s’excuse de son comportement macho et violent. De plus, il demeure agressif envers les autres; ce n’est que Naïma qui sera épargnée car elle lui a sauvé la vie. Pis encore, Naïma aura beau lui dire que sa protection n’est pas nécessaire, Rico continuera de la suivre partout contre son gré, de se mêler de ses affaires et de la surprotéger. Bonjour l’absence de consentement. [FIN SPOILERS]

Bref, Naïma et la magie du cirque est un roman intéressant avec des personnages réalistes, mais qui véhicule des messages auxquels je n’adhère pas. Parents, vérifiez si ces messages vous conviennent ou préparez-vous à discuter de cette lecture avec votre enfant avant de lui offrir ce roman. Après tout, tout se lit; mais une bonne discussion sur ses lectures permet parfois de relativiser les choses et constitue un moment d’apprentissage privilégié pour les enfants. À vous de juger.

Auteur(s) / illustrateur(s) : Moka & Anne Cresci
Maison d’édition: PlayBacBouton acheter petit
Année de publication: 2018
ISBN: 9782809661934
Lectorat cible: 8 à 12 ans
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Yatandou

yatandouChaque jour, à l’ombre du baobab, Yatandou pile le mil avec les femmes de son village. Toutes ensemble, elles rêvent d’une vie meilleure…

Ce sont d’abord les illustrations qui m’ont marqué à la lecture de cet album. Faites de coups de peintures et de couleurs chaudes, elles sont pleines de reliefs et de détails. Le texte comprend quelques mots en bambara. Ce livre d’images s’adresse aux enfants âgés de 10 ans et plus qui lisent déjà de bons romans. Les femmes occupent une place centrale dans le récit. Elles s’organisent pour faire de leur existence une vie meilleure. Un livre excellent !

Auteur(s) / illustrateur(s) : Gloria Whelan & Peter Sylvada
Maison d’édition: Le Sorbier
Année de publication: 2008
ISBN: 9782732039190
Lectorat cible: 10 ans et plus

yatandou 2

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Les écoles du bout du monde: Le trésor de Kolgrogogo

Le trésor de KolgrogogoAu village de Kolgrogogo, Boniface se rend à l’école par un sentier de brousse, comme d’habitude. Sauf que ce matin, il trouve une bague en or sur le chemin ! Au cours de la journée, tout va mal pour Boniface et le garçon se demande si le trésor n’est pas la cause de tous ses malheurs. Que peut-il bien faire de cette bague maudite ?

Ce roman lumineux nous plonge dans le quotidien d’un garçon gentil et vif d’esprit au Burkina Faso. Le texte se lit facilement et se présente dans une mise en page aérée et équilibrée, comme les éditions Auzou savent si bien le faire. Les chapitre, d’une dizaine de pages, se terminent toujours sur une note mystérieuse qui nous donne le goût de continuer notre lecture.

Même s’il s’agit du 6ème tome de la série, Le trésor de Kolgrogro se lit très bien de manière indépendante. D’ailleurs, je vous garanti qu’il vous donnera envie de découvrir les autres tomes de la série qui vous verront voyager en Nouvelle-Zélande, en Angleterre, au Viet-Nam, et même à Montréal. Boniface, le personnage principal, vit en région rurale et aide sa mère à aller chercher de l’eau et à s’occuper du bétail. Même si on comprend à la lecture de ce roman que la communauté où vit Boniface n’est pas riche, il se dégage une atmosphère de camaraderie et de positivisme de sa vie au Burkina Faso. Et quel plaisir de comparer sa vie à l’école avec celle de Boniface; la récréation, la salle de classe, la cloche qui signale la reprise des cours, le chemin de l’école, le tableau de classe, les pupitres, etc. Un roman fantastique que je vous conseille vivement pour vos lecteurs autonomes du primaire !

Je remercie les éditions Auzou de m’avoir offert ce livre. 

Auteur(s) / illustrateur(s) : Didier Dufresne & Caroline Piochon
Maison d’édition: Auzou
Année de publication: 2017Bouton acheter petit
ISBN: 9782733800553
Public cible: 8 ans et plus
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La princesse de l’eau claire

La princesse de l'eau claireUn grand récipient repose sur la tête de la princesse Gie Gie, telle une couronne. L’eau potable se fait rare dans son royaume aux couleurs chaudes. Chaque matin, elle se lève avant le soleil pour marcher jusqu’au puits. Lorsqu’elle revient à la maison, après avoir fait bouillir l’eau pour la boire et pour nettoyer les vêtements de sa famille, Gie Gie pense à ce voyage que demain amènera. Et elle rêve. Elle rêve d’un jour où son village africain aura une eau claire et limpide. 

J’ai adoré cet album inspiré par l’enfance au Burkina Faso de l’activiste Georgie Badiel. Les illustrations aux traits épais et aux couleurs chaudes m’ont énormément plu. On s’attache beaucoup à la princesse Gie Gie et à ses tourments. Le livre se termine par un dossier dans lequel on en apprend plus sur la vie au Burkina Faso et le long voyage que mènent des miliers d’enfants, d’hommes et de femmes, chaque jour, pour aller chercher de l’eau. Bien adapté en contexte scolaire, cet album peut être utiliser pour amener les enfants du primaire à se questionner sur leur rapport à l’eau, à l’importance de la protection de l’environnement, au travail humanitaire, à l’entraide et aux inégalités sociales. Je recommende vivement cet album ! L’avez-vous lu ? Qu’en avez-vous pensé ?

Georgie Badiel est une mannequin burkinabée. 

Georgie Badiel

Auteur(s) / illustrateur(s) : Susan Verde & Peter H. Reynold
Maison d’éditionScholastic
Année de publication: 2018 Bouton acheter petit
ISBN: 9781443165815
Public cible: 7 ans et plus
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Haïti : La perle nue

DécHaïti perle nue mémoire d'encrier.jpgouvrir un pays, comprendre les enjeux environnementaux, c’est saisir le lien entre la terre et les hommes. Haïti, pays à l’avenir balbutiant, mélange de tradition et d’incertitude, est une terre façonnée par des siècles d’histoire douloureuse. À travers l’exemple d’Haïti, cet ouvrage nous incite à une prise de conscience du rôle primordial de l’écologie aujourd’hui pour le monde de nos enfants demain.

J’ai emprunté ce livre dans une bibliothèque municipale. On ne trouve pas beaucoup de documentaires sur Haïti destiné aux enfants présentement sur le marché. Haïti : Perle nue offre beaucoup d’informations sur cette île des Caraïbes dans un documentaire richement illustré et entrecoupé de contes traditionnels. Le livre est divisé en cinq chapitres, en plus d’un avant propos, d’un glossaire et d’annexes pour en savoir plus : 1. Un environnement modelé par l’histoire; 2. Le bois et l’arbre; 3. L’eau douce et l’eau salée; 4. La faune et la flore; 5. De la campagne à la ville.

Le premier chapitre s’intéresse à l’île avant l’arrivée de Christophe Colomb, l’introduction de l’esclavage, la fin des Arawaks, la colonie française et l’indépendance d’Haïti. Le deuxième chapitre explique comment les forêts ont disparu du pays, les conséquences de la déforestation et les manières dont le bois est utilisé pour produire de l’électricité, pour créer une source de revenu pour les paysans et pour confectionner des œuvres d’art. Les troisième et quatrième chapitres survolent les ressources naturelle, la pénurie d’eau potable et les écosystèmes haïtiens. Enfin, le dernier chapitre aborde la question de la pollution, de la pauvreté et de l’urbanité en Haïti.

On retrouve également cinq contes haïtiens dans ce livre: « Dife Flanbo et Loraj Kale », « L’oranger magique » (un conte très populaire déjà publié aux Éditions 400 coups),  » « L’île de la Gonâve », « L’oiseau aux ailes bleues » et « Malice et les tambours du roi (Bouki et Malice sont également des personnages très populaires du folklore haïtien). Plusieurs mots ou expressions créoles ponctuent les contes. Même si les sections documentaires sont accompagnées de nombreuses photographies, les contes ne sont agrémentés que d’une ou deux vignettes.

Le livre se termine par une liste des dates importantes, ce qui est très utile pour se repérer dans le temps et connaître les événements marquants de l’histoire d’Haïti. Toutefois, les annexes sont de trop à mon avis car toute l’information qu’on y retrouve aurait pu être ajoutée à l’un ou l’autre des chapitres du livre. De plus, la typographie de cette section est très petite comparée à celle utilisée dans les chapitres; ce qui rend la mise en page très dense et quelque peu rédhibitoire. Parlant de mise en page, j’ai aimé que les photos soient accompagnées d’une légende explicative, parfois assez longue. Par contre, ces dernières coupent parfois un paragraphe en plein milieu d’une phrase et minent la fluidité de la lecture. On s’y retrouve tout de même, mais le va-et-vient entre deux pages est parfois un peu agaçant.

Cela étant dit, les jeunes qui liront ce livre en apprendront énormément sur Haïti: non seulement son histoire, mais aussi les raisons qui expliquent pourquoi le pays est aujourd’hui si pauvre et désorganisé. J’aurais aimé une petite section sur les écarts de richesse et l’absence d’une classe moyenne; cela aura été très intéressant. J’ai trouvé le ton utilisé parfois mal adapté aux enfants (mots difficiles, tournures du phrases trop littéraires, ou encore explications trop vagues ou compliquées). Les préados pourraient avoir un peu de mal à tout comprendre.

Les éditions Mémoire d’encrier nous offre malgré tout un livre documentaire très complet, nuancé et passionnant ! Plaira aussi aux adultes !

Mimi Barthélémy est une auteure, conteuse et metteuse en scène haïtienne
(1939-2013).

mimi bar

Auteur(s) / illustrateur(s) : Gérard Barthélémy & Mimi Barthélémy
Maison d’édition: Mémoire d’encrier / Vents d’ailleurs Bouton acheter petit
Année de publication: 2010
ISBN: 9782923713311 / 9782911412714
Public cible: 8 à 12 ans
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Princes des fatras

princes des fatrasSur l’île d’Haïti, la bande de Jeanjean, Cliff, James, Will et Flam grandit dans le quartier défavorisé de Cité Soleil. Pour contrer la pauvreté et l’ennui, ils ont trouvé une parade : le foot ! Un jour, M. BoB leur ouvre les portes de son club et la perspective de grands défis.Une bouleversante histoire d’amitié et une belle leçon d’humanité, alors qu’Haïti, frappé par un terrible tremblement de terre, étouffe sous l’accumulation des déchets, les fatras.

Le mystère entourant le personnage principal m’a intrigué dès les premières pages. On s’adresse directement au lecteur à la deuxième personne du pluriel, mais on en sait bien peut sur celui ou celle qui nous raconte l’histoire. Ce n’est qu’à la 87ème page qu’on nous révèle qu’il s’agit d’une fille, Gina. 87 pages où à aucun moment le genre de la narratrice n’a été révélé, perçu ou même supposé, malgré sa présence dans les illustrations. Un tour de force littéraire qui m’a grandement plu ! Lorsque Gina se révèle à nous, on découvre une jeune fille intelligente, sportive, pleine d’idées et ayant un esprit entrepreneuriat assez prononcé malgré ses 11 ans.

L’auteur, d’origine française, nous fait voyager dans Cité Soleil, une ville haïtienne délaissée, comme si nous y étions. Malgré la pauvreté, la violence et la malpropreté de la ville, on aperçoit à la lecture de ce roman une Haïti belle, fière, pleine de potentiel et culturellement riche. On nous fait découvrir le classique « Gouverneurs de la Rosée » du grand écrivain haïtien Jacques Roumain et la créativité des haïtiens. Le ton est juste, sans condescendance et sans prendre les haïtiens en pitié. Un roman captivant qui plaira aux enfants comme aux adultes ! À noter que certains mots créole ne sont pas traduits, mais ne minent pas la compréhension du texte. À lire au plus vite !

Auteur(s) / illustrateur(s) : Jean Claverie & Jean-Yves Loudes
Maison d’édition : Belin Éditeur
Année de publication : 2015
ISBN : 9782701193755
Public cible : 10 ans et plus

Vous aimerez peut-être: Jean Claverie a également écrit Mon frère et moi, un album surprenant. Jean-Yves Loudes a, quant à lui, publié La sanza de Bama.

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