Sulwe

Sulwe a la peau noire comme le ciel de minuit. Elle est plus foncée que tous les autres membres de sa famille. Elle est aussi plus foncée que tout le monde à son école. Tout ce que Sulwe souhaite, c’est être belle et avoir le teint aussi clair que celui de ses parents. Mais un soir, une aventure magique dans le ciel lui ouvrira les yeux et changera tout…

Qu’il est rare de trouver des livres jeunesse abordant de front la thématique de la couleur de peau noire. Sulwe parle sans détour du mal-être que peut surgir chez les enfants noirs face à leur couleur de peau, en plus de rendre visible le concept de colorisme. Le colorisme, c’est une discrimination basée sur le teint de la peau qui sous-entend que les peaux claires et brunes sont plus jolies et plus désirables que les peaux foncées et marrons. Le colorisme existe dans les communautés racisées, et pas seulement noires!

Les enfants noirs retrouveront dans ce magnifique album un miroir d’eux-mêmes. Les enfants blancs y trouveront une sensibilité à développer envers les différences. Je le dis souvent et je le redis: les livres avec des personnages noirs ne sont pas que pour les enfants noirs! Développer son empathie, c’est important et cela doit faire partie du développement global de l’enfant. Un enfant qui n’a pas la peau noire (ou même: un enfant qui a la peau noire, mais pas foncée) peut lire ce livre et être capable de se mettre à la place de la petite Sulwe.

En milieu scolaire, vous pouvez prendre le temps de discuter de l’intimidation et des moqueries avec vos élèves en lisant ce livre:

  • Comment penses-tu que Sulwe s’est senti en se faisant traité de charbon?
  • Qu’aurais-tu fait si tu avais été témoin d’une telle scène d’intimidation?
  • Pourquoi penses-tu que Sulwe voudrait avoir une peau plus pâle?
  • Sulwe signifie étoile. Et toi, que signifie ton prénom?
  • Trouve trois choses que tu as en commun avec Sulwe.
  • Pourquoi avons-nous autant besoin de la lumière et de la noirceur?
  • Nomme deux choses que tu aimes faire la nuit et deux choses que tu aimes faire le jour.
  • Trouve la définition du mot racisme dans le dictionnaire.
  • Et toi? As-tu le même teint ou la même couleur de cheveux que tes parents, que tes frères et sœurs?

Le récit est assez triste: cela fait mal de voir une si jolie petite fille se dévaloriser autant. Herueusement, à la fin de l’histoire, Sulwe découvre que la beauté est aussi à l’intérieur, et qu’il ne faut pas attendre que les autres nous trouvent jolie pour savoir qu’on l’est. Elle apprendra qu’elle est belle car elle choisi de l’être, et que sa beauté est quelque chose de précieux à chérir. Les illustrations de Vashti Harrison sont magnifiques. Bref, Sulwe est un très très bon livre que j’ai beaucoup aimé! Fortement recommandé!

Coup de cœur!

Lupita Nyong’o est une autrice kényane.

Vashti Harrison est une illustratrice américaine.

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Sulwe
AUTEUR(S)
: Lupita Nyong’o & Vashti Harrison
ÉDITION: Scholastic, 2020
ISBN: 9781443181884
PRIX: 14,99$
5 ans et plus

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Comme un million de papillons noirs

Comme un million de papillons noirsAdé adore les éclairs au chocolat, les papillons et poser des questions. Elle a aussi de magnifiques cheveux mais ses camarades d’école s’en moquent, simplement parce qu’ils sont différents. En compagnie de sa mère et ses tantes, elle va heureusement découvrir en douceur la beauté des papillons endormis sur sa tête, jusqu’à leur envol final.

Adé aime explorer et découvrir ce qui l’entoure. Elle questionne le monde pour mieux le comprendre. C’est comme cela qu’on la rencontre pour la première fois: curieuse, ouverte au monde. Puis les moqueries de deux enfants sur ses cheveux arrivent comme un fouet en plein visage. C’est une expérience tant de fois vécue par des personnes racisées. On vit notre vie, on oublie notre couleur de peau ou la texture de nos cheveux parce que ce n’est pas si important que ça, on s’intéresse au monde, on y sent une certaine connexion, puis BAM! un inconnu venu de nul par vous rappelle qu’on est différent.e et qu’il faudrait mieux ne pas trop s’encrer ici. Comme si on n’avait pas le droit à la normalité et à la tranquilité d’esprit. Comme pour nous rappeler que notre différence doit rester à jamais au coeur de nos préoccupations, comme un boulet à nos pieds. L’auteure a admirablement bien capturé les sentiments d’impuissance et d’incompréhension que suscite le racisme ordinaire dans la vie des personnes qui en sont victimes.

Le texte est très bien écrit et le passage où Adé pleure dans les bras de sa mère en lui disant qu’elle ne veut plus porter ses nattes est très triste. Les illustrations réussies donnent à voir les différentes teintes de peaux noires et les multiples textures des cheveux crépus.  J’avais des doutes au départ sur l’analogie entre les cheveux naturels et les papillons, mais le tout se révèle assez juste et poétique. J’ai aussi aimé que Adé et ses amies (noires elles aussi), tentent ensemble de percer le secret des papillons noirs en lien avec leurs cheveux crépus. Voilà donc un très bel album que je vous recommande chaudement!

Laura Nsafou est une auteure française.

Laura Nsafou 3

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Comme un million de papillons noirsBouton acheter petit
AUTEUR(S) : Laura Nsafou & Barbara Brun
ÉDITION: Cambourakis, 2018
ISBN: 9782366243529
7 à 11 ANS
25,95$

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Bintou quatre choux    Petit oursin

 

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Fleur de coton

fleur-de-cotonEn Louisiane, dans une plantation, Fleur de Coton, 10 ans, est une jeune esclave. Elle découvre qu’elle est une mulâtresse, née de l’union de sa mère esclave et du maître de la plantation. La fillette se trouve dans la situation difficile des « bâtardes » qui n’ont leur place ni au sein de la communauté nègre, ni dans le cercle des blancs, les dirigeants…

Ce livre de 70 pages se lit très vite et se glisse facilement dans la poche. Je l’ai d’ailleurs dévoré en un voyage en métro sur la ligne orange! Ce tout petit roman s’adresse aux bons lecteurs de 10 ans et plus et aborde la question de l’esclavage en termes très généraux. Malgré la présence d’un dossier en fin de livre sur l’histoire de la Louisiane, on n’y explique pas vraiment les raisons politiques, sociales et économiques qui ont mis la table à la montée de l’esclavage en Amérique. Dommage.

Il y a beaucoup de personnages pour un si petit récit, beaucoup de personnages secondaires aussi, et forcément, on n’a ni le temps de les connaître vraiment, ni le temps de s’y attacher. J’ai eu du mal à m’attacher à Mai, le personnage principal. On sait bien peu de choses d’elle et ses réactions m’ont paru parfois bizarres ou incompréhensibles. Par exemple, lorsqu’elle apprend qu’elle est née d’un père blanc, en l’occurrence le maître de la plantation, elle se réjouit de réaliser que du sang blanc coule dans ses veines et rejette sa filiation à sa famille noire, allant jusqu’à se considérer supérieure à eux. Or, il y a peu de mise en contexte dans le roman qui puisse explique que Mai ait une telle réaction, et le tout risque d’être bien confus pour un jeune lecteur de 10-11 ans. Le danger est qu’il en retienne un message négatif ou internationalise un racisme bien malgré lui à la lecture de ce roman.

De plus, le récit n’offre pas de réelle conclusion et on ne sent pas que Mai a évoluée par rapport au début du roman. L’histoire se termine sur son départ de la plantation car elle a été vendue à une autre famille. Bien des questions restent sans réponse: Qu’est-il arrivé à la famille de Mai? Que va-t-il arriver à Mai? Mai finira-t-elle par s’accepter? Parviendra-t-elle à s’émanciper? Les personnages parviendront-ils à se pardonner ? Le père de Mai finira-t-il par reconnaître sa paternité ? …

Je suggère donc une lecture accompagnée: prenez le temps de lire aussi ce livre et d’en discuter avec votre enfant ou vos élèves. Posez-lui des questions sur ce qu’il a compris du récit et ce qu’il en pense, mais soyez aussi prêt à répondre à ses questions (elles pourront vous surprendre!)

Auteur(s) : Corinne Albaut
Maison d’édition: Oskar éditeur Bouton acheter petit
Année de publication: 2013
ISBN: 9782350009988
Public cible: À partir de 10 ans

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Fourchon

fourchonSa maman est une cuillère. Son papa est une fourchette. Lui, il est un peu des deux. Voici Fourchon ! Il a beau tenter de passer pour une cuillère, puis pour une fourchette, Fourchon n’est jamais choisi lorsque vient le temps de se mettre à table…

Publié dans la collection « Pamplemousse » aux éditions La Pastèque, cet album de Kyo Maclear et Isabelle Arsenault se démarque par son originalité. Il traite de la différence, quelle qu’elle soit, et chaque lecteur pourrait y voir quelque chose de différent. C’est d’ailleurs ce qui m’a plu dans ce livre car j’y vois une analogie avec la mixité raciale. Une maman cuillère et un papa couteau, c’est un peu comme une maman noire et un papa blanc ou vice-versa; c’est pareil et différent à la fois. Fourchon, quant à lui, a hérité des caractéristiques physiques de ses deux géniteurs: la rondeur de sa mère et les pointes de son père. Les enfants métisses pourront s’y identifier facilement.

L’album traite aussi du sentiment d’appartenance et du rejet. Fourchon est bien embêté de n’être pas « une seule chose » et les autres ustensiles le lui font bien sentir. Autrement dit, il détonne, comme les enfants noirs grandissant dans des environnements où il n’y a que des blancs, ou comme les personnes chrétiennes qui vivent dans des pays à majorité musulmane, ou comme des hispanophones discutant dans un café où la clientèle est presque exclusivement francophone… Bref, tous ces moments où certaines personnes ne sont pas tout à fait comme les autres. Malheureux, Fourchon se dit qu’il faut choisir: soit être une cuillère, soit être une fourchette, mais pas les deux en même temps. Il fera preuve d’inventivité en portant un chapeau melon pour se donner un air de cuillère, mais les fourchettes le jugent trop rond. Il tentera alors de porter une couronne de papier pour avoir l’air d’une fourchette, mais les cuillères le jugèrent trop pointu. À la lecture de ce passage, on peut se demander pourquoi Fourchon n’a pas choisi de porter le chapeau melon auprès des cuillères et la couronne de papier auprès des fourchettes. Je pense que là n’est pas vraiment la question; être accepté au sein d’un groupe parce qu’on porte un masque n’est pas ce que veut Fourchon. Il veut plutôt être accepté tel qu’il est. Ce passage démontre tout de même comment le rejet s’articule dans la société: être trop noir(e) pour les blancs ou trop blanc(he) pour les noirs, cela c’est bien sûr déjà vu, encore aujourd’hui ! La solution que propose les auteures n’est pas de trouver un groupe d’ustensiles qui ressemblent à Fourchon (car des instruments de cuisine qui ne ressemblent ni à cuillère, ni à des fourchettes, bien sûr qu’il y en a: les couteaux, les baguettes chinoises, le presse-ail, le rouleau à pâtisserie, la théière, le malaxeur, les verres à vins, etc.) Fourchon finira plutôt par trouver sa place dans la cuisine (c’est-à-dire le monde) en réalisant que parfois, on a besoin justement de quelque chose d’un peu plus rond qu’une cuillère, mais d’une peu plus pointu qu’une cuillère…

Les illustrations d’Isabelle Arsenault sont très belles, mais les couleurs choisies sont un peu fades et n’ont pas plu aux enfants à qui j’ai lu ce livre. Aussi, les pages 17-18 où l’on voit une éclaboussure de ce qu’on devine être de la sauce tomate accompagnée de fruits coupés et d’une moitié de poisson ont suscité des réactions négatives auprès d’eux: dégoût, peur, incompréhension. Les plus jeunes ont décroché à partir de ce moment-là, ne comprenant pas que « la chose malpropre » était un bébé, et encore moins pourquoi on le qualifiait de « chose » comme si c’était un objet. Les pages suivantes où la panique s’installe auprès des ustensiles tâchées de sauce rouge évoquent une scène de guerre ensanglantée. Ensuite, la scène où l’on aperçoit l’ombre de « la chose malpropre » effraie, certains enfants ont même pensé que Fourchon était en grave danger et ne comprenaient pas pourquoi il souriait à la fin. La morale de l’histoire est que Fourchon est en réalité parfait tel qu’il est. Bref, la force de l’album est un peu perdue dans la deuxième moitié un peu violente où les illustrations ne parvient pas à toucher le lectorat cible: les enfants.

Bref, aucun personnage noir n’est présent dans cet album jeunesse, même si un deuxième ou troisième niveau de lecture permet d’y voir des personnes métissées. À la toute fin, on découvre que la chose « malpropre » est un bébé blanc. Voilà donc un album au sujet intéressant et traité d’une manière intelligente et inventive, mais dont les illustrations, bien que magnifiques, semblent déplaire à certains enfants.

* Prix jeunesse des libraires du Québec

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Auteur(s) / illustrateur(s) : Kyo Maclear & Isabelle Arsenault
Maison d’édition: La pastèque éditeur Bouton acheter petit
Année de publication: 2011
ISBN: 9782923841038
Public cible: 4 à 6 ans
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The Boondocks: Parce que je sais que tu ne lis pas le journal

boondocksCréée sur Internet en 1996, puis reprise dans un magazine étudiant, la série BOONDOCKS (littéralement: « quartier ennuyeux ») a mis moins de cinq ans pour conquérir les lecteurs de plus de 250 magazines et quotidiens américains. Les personnages d’Aaron McGruder consacrent l’irruption de la culture hip-hop dans le monde de la BD. Aucun sujet n’est passé sous silence: racisme, préjugés des noirs à l’égard des blancs, violence, drogue, lutte contre le terrorisme, fausses idées des blancs à l’encontre des noirs, problèmes d’éducation… Évitant toute complaisance, Aaron McGruder fait sauter tous les garde-fous de la bien-pensante!

Mon avis

Je fais une petite exception pour cette BD, qui s’adresse surtout aux adultes, mais qui peut être lue dès l’âge de 13 ans, car je voulais absolument la présenter sur ce blog. Riley, 8 ans, est rebelle et admire l’univers des gangs de rue et de la culture gangsta rap. Son grand frère, Huey, s’intéresse plutôt au Black Power, à la lutte contre le racisme et à la justice sociale. Les deux garçons quittent leur ville natale de Chicago pour déménager à Woodcrest, une banlieue ennuyante et blanche parce que leur grand-père, avec qui ils vivent, souhaite une vie tranquille pour sa retraite.

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La BD se présente comme une série de strips, à l’origine publié dans un journal. Le ton est parfois hilarant, souvent irrévérencieux. Riley et Huey, malgré leur jeune âge, parlent de tout, même si leurs opinions peuvent offenser. Cette version publiée chez Dargaud permet aux francophones de connaître la série, dont il existe une série télé non traduite en français (voir vidéo ci-bas). Les personnages sont des archétypes des différentes manières dont l’identité afro-américaine se présente; dans chaque personnage on peut reconnaître une personne que l’on connaît. Le grand-père, qui a vécu plusieurs évènements clés du mouvement des droits civiques; Thomas Dubois, le voisin coincé ayant professionnellement réussi dont le comportement rappelle celui d’un homme blanc de la haute société; Jazzmine, une naïve enfant métisse qui tente désespérément de nier son identité noire; et oncle Ruckus, un afro-américain qui idolâtre la culture esclavagiste (pour ne nommer que ceux là).

The Boondocks a le mérite de dire tout haut ce que bien des gens n’osent pas dire même tout bas. Aaron McGruder donne une voix sans complexe à la communauté afro-américaine et ne tente pas de plaire à la majorité. Pour cela, je lui lève mon chapeau.

Auteur(s) / illustrateur(s) : McGruder, Aaron
Maison d’édition: Éditions Dargaud
Année de publication: 2003
ISBN: 2871294542
Public cible: 13 ans et plus

Aaron McGruder est un auteur afro-américain.

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À la ferme… Le mouton un peu différent

mouton différentÀ la ferme, Réglisse, un nouveau mouton vient d’arriver. Comme il est de couleur noire, les autres moutons se méfient de lui et le laissent à l’écart. Le Mouton un peu différent est une histoire sur le thème de la différence avec des jeux et des conseils pour dessiner le héros en fin de livre.

Bon. D’accord, j’ai triché. Les personnages de ce livre ne sont pas humains et ne sont donc pas d’origine caribéenne ou africaine. M’enfin… Techniquement. Sauf que la symbolique de la race humaine est bien là, même s’il s’agit de moutons. Réglisse est en effet appelé « noir » même si dans les faits, il est de couleur brune. On fait donc clairement référence à la race telle qu’elle est construite par la société et non pas simplement à une teinte de couleur.

La situation dans laquelle se retrouve Réglisse est familière à bien des enfants noirs vivant en occident. Arriver dans un environnement où l’on est la seule personne noire, c’est le quotidien pour plusieurs. Le rejet du troupeau de moutons blancs est assez brutal. Réglisse va même jusqu’à se rouler dans l’herbe ou encore plonger dans l’eau en espérant faire disparaître sa couleur noire. Heureusement, une brebis apprend à connaître Réglisse et grâce à elle, ce dernier fini par se faire accepter du groupe. Toutefois, je dois admettre qu’une scène en particulier m’a mise mal à l’aise. Alors que la brebis amène Réglisse pour le présenter au troupeau, les moutons blancs s’approchent du mouton noir et se mettent à l’examiner comme une bête de foire… Et un mouton de s’exclamer: « Venez toucher sa laine! »

touch hair

Euh.

Non.

Ça me semble évident de ne pas toucher les gens sans permission. Pour les personnes de descendance africaine ou caribéenne en particulier, combien de fois les gens se permettent-ils de toucher vos cheveux ou votre peau sous un prétexte douteux? Imposer sa fascination pour le corps des autres en envahissant leur espace personnel n’est jamais une bonne idée. Aux parents qui liront ce livre à leur enfant, je vous implore d’également sensibiliser votre progéniture sur les microagressions (petit truc: ne touchez pas les gens sans permission! C’est super impoli!!)

Autre truc qui m’a déplu: l’usage du mot « différent ». Différent de quoi? De qui? En tant que lectrice noire, le choix de ce mot ne cadre pas avec ma réalité. Au contraire, le mouton noir me ressemble tout à fait! Il s’agit donc d’un livre qui ne m’est pas addressé et c’est pourquoi je ne l’ai pas lu aux enfants de mon entourage.

Cela dit, ce livre peut constituer un point d’entrée vers une discussions sur la tolérance, un sujet crucial qu’il n’est jamais trop tôt d’aborder avec les enfants.

mouton différent2

Auteur(s) / illustrateur(s) : Christophe Boncens
Maison d’édition: Beluga
Année de publication: 2001
ISBN: 9782371330214
Public cible: 4 à 7 ans.
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Gros chagrin

gros-chagrinNoémie, une petite fille métisse, a un gros chagrin : elle voudrait être blanche, blanche comme son papa. Ému, ce dernier lui raconte l’histoire de Boulou, la petite chatte noire qui voulait être blanche, sauf qu’une fois son souhait exaucé plus personne ne la reconnaissait…

Publié en collaboration avec Amnesty International, cet album a l’avantage d’aborder franchement et sans détour le sujet du rejet de soi à cause de sa couleur de peau. Noémie, le personnage principal, déclare d’un coup à son père:

« J’veux plus être noire! J’veux être blanche, comme toi! »

D’une certaine manière, cet album illustre également les dangers du manque de représentations chez les personnes racisées. Les raisons pour lesquelles Noémie veut devenir blanche sont de l’ordre de la ressemblance, de la reconnaissance. Elle veut être blanche pour être « comme son papa » et « comme [ses] copains d’école ». Il n’y a dans son discours aucune indication qu’elle aurait été victime de racisme. Elle ne dit pas ne pas aimer sa couleur de peau, comme cela a été le cas dans Noire comme le café, blanc comme la lune. Il semble être question d’un enjeu de représentation (et de son absence), donc. Cela dit, les enjeux raciaux sont complexes. Après tout, Noémie ne désire pas être noire comme sa maman adorée ou noire comme sa grand-maman qu’elle aime tant… Étant métissée, elle est déjà considérée par défaut comme étant noire. Le père parvient à amener sa fille à accepter et célébrer son métissage: elle est en effet noire et blanche. Ses deux identités se complète et se nourissent l’une de l’autre.

Le récit est raconté uniquement par le biais de dialogues dans des phylactères (des bulles de type bande dessinées). La mise en page est toute simple. En effet, on tourne les pages un peu comme on regarderait un film: les illustrations sont très semblables d’une page à l’autre. De beaux clins d’oeil ponctuent le livre (par exemple, Noémie-humaine a un petit chat en peluche, alors que Noémie-chaton a une petite poupée noire).

Auteur(s) / illustrateur(s) : Rémi Courgeon
Maison d’édition: Talents Hauts Bouton acheter petit
Année de publication: 2014
ISBN: 9782362660924
Public cible: À partir de 4 ans
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Sur les traces de Loubaye Dantor

loubaye dantorEntre les jokes à l’école et les explications sur mes origines haïtiennes, j’ai l’impression d’être un alien. Mes parents auraient vraiment pu trouver mieux. C’est bien simple, je déteste ce prénom. Je supporte encore moins tout ce qu’il représente. Il me condamne à ne jamais m’éloigner de mes racines, alors que je suis avant tout Québécois. Je refuse d’être enfermé dans une culture, dont j’ignore presque tout. C’est un pays associé à la misère et aux catastrophes naturelles. Mais si cette île avait bien plus à m’offrir?

La littérature jeunesse manque bien souvent de diversité ethnique et raciale. Quel vent de fraîcheur que de lire ce livre dont le personnage principal, né au Québec (Canada), est d’origine haïtienne. Une rareté dans le paysage de l’édition adressée aux enfants. Les questionnements de Loubaye sur son identité (est-il québécois ou haïtien?), le rejet de ses origines haïtiennes tout en ayant le sentiment de ne pas être totalement québécois… plusieurs ados de la deuxième génération d’immigration pourront s’y identifier. On en apprend un peu sur Haïti et sur sa richesse. Très court, ce livre est un « mini-roman pour adolescents », de petits livres de moins de 100 pages, à la mise en page aérée (on aime ou pas), qu’on lit en un trajet aller-retour en autobus ou en métro. Ce format plaira aux lecteurs récalcitrants. Le ton est parfois un peu trop calculé et les dialogues, peu naturels, rendant le récit mécanique. Quelques passages invraisemblables au niveau du récit. Malgré tout, voilà un livre à lire, si ce n’est pour montrer aux ados racisés qu’il existe des romans dont les personnages principaux les ressemblent, et qui se posent les mêmes questions qu’eux sur leur identité et sur leur place dans le monde. Certains passages sexistes. Quelques passages créoles (traduits en bas de page). Contexte québécois.

Je n’aime pas qu’on m’enferme dans une identité. Je me sens comme dans une cellule de prison. Ou une camisole de force. Je suis Haïtien d’origine, mais aussi un Québécois d’un genre nouveau. Je suis né ici. J’aime le rap, le hip-hop et le slam. On me considère comme un Noir. Je crois plutôt que je suis black. Voilà qui je suis vraiment. J’ai bien dit black! Noir, pour moi, c’est négatif et réducteur. Ça fait appel à la couleur de la peau.  Être black, c’est plus qu’une couleur. C’est un style de vie, une façon d’habiter le monde. (p.26)

Jean Fils-Aimé est un auteur et essayiste canadien.

jean fils aimé

Auteur(s) / illustrateur(s) : Jean Fils-Aimé
Maison d’édition: Bayard Canada Bouton acheter
Année de publication: 2015
ISBN: 9782895796671
Public cible: À partir de 13 ans

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Oublier Camille

camilleYanis est fou amoureux de Camille. Mais « assurer » avec une fille, prendre l’initiative, agir, c’est plus facile à dire qu’à faire. Devenir un homme, oui, mais quel homme? Paralysé par le doute, Yanis est tenté d’esquiver, puis de fuir… pour oublier Camille. Au risque d’être rattrapé par ses sentiments.

Un roman pour adolescents de 76 pages à peine, qui s’inscrit dans la vague « mini romans pour ado » des dernières années. Ici, un garçon de 16 ans, métissé, amoureux d’une fille et pas le courage de le lui dire. S’en suit une série de remises en questions sur son amour pour elle, sur ses sentiments, ses désirs, sa virilité, son orientation sexuelle et son identité. Un roman initiatique qui se digère bien. Il aurait été intéressant d’explorer davantage la question de l’identité raciale chez Yanis. Certains propos homophobes pourraient offenser certains lecteurs. Contexte français.

Je vois mon reflet dans la glace de l’armoire, en face de mon lit, et je me déteste. D’habitude, je me trouve plutôt bien foutu. Sauf mes cuisses, qui devraient être plus musclées, et mon visage. J’aurais voulu être blanc ou noir, mais ce mélange, je déteste. Mes cheveux, on ne peut rien faire avec. (p.21)

Auteur(s) : Gaël Aymon
Maison d’édition: Actes Sud Junior Bouton acheter petit
Année de publication: 2014
ISBN: 9782330034290
Public cible: À partir de 13 ans

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Noire comme le café, blanc comme la lune

noire caféNana n’est pas bien dans sa peau, elle a du mal à accepter son métissage. Alors son papa lui montre qu’on n’est jamais tout à fait content de soi et qu’avec un peu d’humour les choses peuvent s’arranger.

L’École des Loisirs fête ses 50 ans cette année (2015) et voilà un petit album sorti il y a plus de 25 ans sur le métissage et l’acceptation de soi. Le personnage principal, Nana, n’aime pas qu’on la regarde parce qu’elle « n’aime pas la couleur de [sa] figure, de [ses] mains, de [ses] bras » et est persuadée ne pas être jolie. Née d’un père blanc et d’une mère noire, elle se plaint de ne pas ressembler davantage à son père. Bien que Nana soit métisse, le message que tient à lui véhiculer son père résonnera sans doute chez bien des enfants noirs ou blancs: Il faut s’aimer tel que l’on est. J’ai aimé l’approche humoristique du père sur la question de la couleur de la peau. Par le jeu, il parviendra à consoler sa fille et l’amener à accepter la couleur de sa peau.

Le message ici n’est pas de dire que black is beautiful (autrement dit, « la peau noire est belle ») face à une enfant qui rejette la moitié noire de ses origines. À aucun moment dans le texte le père de Nana dit à sa fille qu’elle est belle. On peut facilement supposer qu’il le pense, bien sûr, mais je crois que les mots ont un pouvoir plus grand qu’on peut le croire. Dire à une enfant comme Nana qui aimerait une peau blanche et des cheveux droits qu’elle est belle telle qu’elle est est un message puissant et positif. Dommage. Le message véhiculé par le père est plutôt de l’ordre de « personne n’est vraiment content de la tête qu’il a ou de la couleur de sa peau ». Comme si Nana avait une raison de ne pas aimer certaines facettes de son apparence, puisque tout le monde, noir ou blanc, ressent de tels sentiments. Encore une fois: dommage. Dans une société ou les standards de beauté sont à l’opposé de ce qui se rapproche de près ou de loin à la peau noire, il aurait été bien de dire à une fillette noire qu’elle est belle, de le lui répéter sans arrêt jusqu’à ce qu’elle finisse par le croire. Je m’éloigne peut-être du sujet. Ce sera l’affaire d’une autre histoire, peut-être… Le message du père à sa fille est possiblement plus subtil: alors que tu envies ma blancheur, me voilà fièrement « déguisé » en toi, le teint noirci, les cheveux tressés. Voir son père qu’elle envie tant faire tant d’efforts pour la ressembler constitue également un message positif pour la fillette!

J’en profite pour mentionner au passage que certains passages du livre où le père se couvre le visage de poudre noire pour personnifier une personne noire (en l’occurrence, sa fille) pourraient offenser certaines personnes.

Hormis ces quelques réserves, la complicité entre le père et la fille est touchante. L’histoire est racontée uniquement par le biais de dialogues entre eux deux. Des illustrations se rapprochant de collages animent de magnifique façon le texte, découpé en une ou deux phrases par page. Couverture rigide et format horizontal agréable.

Auteur(s) / illustrateur(s) : Pili Mandelbaum
Maison d’édition: École des Loisirs
Année de publication: 1989
ISBN: 2211017096
Public cible: À partir de 5 ans

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