C’était une journée récompense à l’école de Félix. Félix et son ami André sont heureux que leur classe ait récolté assez de points au cours des derniers mois pour mériter cette activité spéciale. Les élèves ont choisi de faire de la balle molle. Alors que les enfants forment les équipes, Félix propose à sa capitaine Léa de choisir André, qui est très fort en ce sport. Mais Léa refuse catégoriquement: « Beurk! Pas question que je choisisse André. Il est noir. Je ne veux pas de Noir dans mon équipe. » Comment Félix et ses camarades de classe réagiront-il au racisme de Léa?
Il y a quelques mois, j’ai fait une revue d’un autre titre de la collection Escalire sur ce blog. André a la peau noire s’adresse à un lectorat avancé (3ème ou 4ème année du primaire). Ce petit roman de 24 pages et de 1147 mots présente occasionnellement des phrases s’étalant sur plus d’une page, un vocabulaire plus difficile et des variations dans les modes et les temps de conjugaison dans une même phrase. De plus, la relation texte-image est plus complexe; il y a notamment la présence d’éléments graphiques comportant du texte complémentaire au texte principal.
J’ai eu un malaise tout au long de la lecture de ce livre et ce, pour deux raisons principales. D’une part, parce qu’il simplifie à l’extrême ce qu’est le racisme. D’autre part, parce qu’il parle de racisme sans vraiment mettre de l’avant la personne racisée qui la subit.
D’abord, on nous présente le racisme comme étant le fait de rejeter explicitement quelqu’un à cause de sa couleur de peau. C’est parce que André est Noir que Léa ne veut pas jouer avec lui. Or, aujourd’hui, le racisme ne se présente pas ainsi. Aujourd’hui, le racisme est beaucoup plus subtil et complexe: micro-agressions, marginalisation, absence de privilège, inégalité des chances, racisme systémique, etc. Le racisme d’aujourd’hui est ordinaire, il est insidieux, présent dans la vie de tous les jours. Il est aussi souvent perpétré par des gens bien-intentionnés. Rien à voir avec « Tu es Noir, donc je ne joue pas avec toi. » Des enfants de 3ème et 4ème année du primaire sont capables d’aborder ces sujets. Pourtant, ce livre perpétue cette idée fausse que le racisme se limite aux insultes criées à tue-tête et aux groupes suprémacistes. Que les gens racistes sont mauvais et que les gens non-racistes sont bons, alors qu’il est clair que même les gens bons, ouverts d’esprit, progressifs, éduqués et bien intentionnés peuvent exhiber (intentionnellement ou non) des comportements racistes. Ce discours montre aux enfants que le racisme est un problème que seules les mauvaises personnes ont, plutôt qu’un système qui nous implique tous. Je le répète, les enfants de 8-9 ans, lectorat cible de ce livre, sont assez matures pour aborder ces sujets. En page 1, il y a Léa qui lit un livre en classe dont le titre est « Mon combat » (Référence au livre d’Adolf Hitler). Malaise. Comme s’il était nécessaire d’en rajouter une couche.
Ensuite, à la lecture du livre, j’étais à la fois heureuse que Félix défende son ami et déçue qu’André ne s’affirme pas davantage. Nous avons tous des réactions différentes face au racisme: colère, rejet, honte, tristesse… Certains bouillonnent et éclatent alors que d’autres se replient sur eux-mêmes. C’est compréhensible, mais compte tenu qu’il s’agit d’une histoire inventée, il aurait été bien qu’on ne nous serve pas encore la recette du sauveur Blanc qui part à la rescousse de personnes racisées sans défense, comme ça se fait souvent en littérature et au cinéma. En fait, on nous raconte l’histoire de Félix-et-comment-il-a-condamné-publiquement-le-racisme-de-sa-camarade-de-classe, et non l’histoire d’André-dont-la-journée-a-été gâchée-par-le-comportement-de-sa-camarade. J’ai besoin davantage de d’histoires racontées du point de vue de personnes Noires. Que nos voix soient entendues. Que notre vision des choses soit reconnue. En littérature jeunesse et ailleurs. Pour moi, pour les enfants de mon entourage, pour les enfants Noirs et pour les enfants qui ne sont pas d’origine afro-caribéenne. Pour tous!
Finalement, André a la peau noire aborde une problématique sociale et culturelle délicate, mais n’offre qu’un début de pistes de réflexion au lecteur. En troisième de couverture, 6 questions à répondre par oui ou par non sont posées au lecteur, notamment « T’est-il déjà arrivé de te sentir rejeté? », « As-tu des amis qui ne sont pas de la même nationalité que toi? » et « Aurais-tu défendu André, si tu avais été présent ce jour-là? » Je suggère donc une lecture accompagnée par un adulte.
Auteur(s): Simon Tobin, Dannie Pomerleau
Illustrateur(s) : Oana Vaida, Oana Cocheci & Anna Benczedi
Maison d’édition: Les Éditions Passe-Temps 
Année de publication: 2014
ISBN: 9782896307234
Public cible: 8 à 10 ans
Vous aimerez peut-être: Peau noire, peau blanche, un album jeunesse qui pousse la réflexion un peu plus loin.
Suivez Mistikrak! sur les réseaux sociaux
