Slay

Résumé: Kiera Johnson est une élève afro-américaine exemplaire, tutrice en mathématiques et l’une des rares lycéennes noires à être membre de l’Académie Jefferson. Personne ne sait qu’elle a conçu le très populaire RPG Slay, dédié aux joueurs afro-descendants, pas même Malcom, son petit ami blanc. Un jour, un adolescent est assassiné à cause du jeu. C’est le début des ennuis pour Kiera.

Lectorat cible : 13 ans et plus

Autrice : Brittney Morris

Édition : Akata, 2022

ISBN : 9782382122211

Prix : 31,95$

Appréciation: Si votre ado aime les récits réalistes sur fond d’amitié et de vie à l’école, ainsi que les jeux vidéo, alors Slay est le roman qu’il lui faut lire. Le récit est bien écrit et on ne se lasse jamais de suivre Kiera dans son quotidien. L’autrice Brittney Morris a créé ce personnage pour se reconcillier avec ses expériences en tant que fille noire, et elle a réalisé que le peuple noir mérite toute la grandeur que nos ancêtres ont imaginée pour nous. Une histoire inspirante pour les jeunes gameuses qui peinent à voir un reflet d’elles-mêmes dans l’offre actuelle de jeux vidéo. Du bonbon. 

Brittney Morris est une autrice noire américaine.

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Les filles de la chance

Résumé: À Arketta, on appelle filles de la chance les enfants vendues à la maison de bienvenue et emprisonnées comme des animaux. Aster, Violette, Tanny, Mauve et Clémentine n’ont d’autre choix que de fuir après que l’une d’entre elles tue accidentellement un homme.

Lectorat cible : 13 ans et plus

Autrice : Charlotte Nicole Davis

Édition : Albin Michel, 2021

ISBN : 9782226435071

Prix : 29,95$

Appréciation: Un roman d’apprentissage avec beaucoup d’action: voilà ce à quoi les lecteurs du roman Les filles de la chance peuvent s’attendre. À noter cependant que ce « page-turner » s’adresse surtout à un lectorat averti: le roman s’ouvre sur une scène de tentative de viol suivi d’un meurtre. L’héroïne, de par sa fougue et son caractère bouillonnant, plaira autant aux lectrices qu’aux lecteurs. L’histoire se passe dans un genre de western fantastique où les armes, les chevaux, les règlements de compte et la magie ne sont jamais bien loin. On ne peut pas passer à côté du sous-texte féministe: les personnages principaux sont des femmes indépendantes qui n’ont pas besoin des hommes et qui n’hésitent pas à les pourchasser pour se venger. On ressort de ce roman bouleversé, diverti et un brin agité: le climat anxiogène créé par Charlotte Nicole Davis ne laissera personne indifférent. 

Charlotte Nicole Davis vit au États-Unis. Les filles de la chance est son premier roman.

Vous aimerez peut-être: Les maîtres enlumineurs, L’enceinte 9 et La fille des manifs, trop excellents romans pour les adolescents et jeunes adultes.

Sur le vif

Résumé : Emoni, 17 ans, rêve de devenir cheffe dans un restaurant. Mais elle a aussi une petite fille de 2 ans, des cours au lycée et travaille le soir pour aider sa grand-mère à payer ses factures. Convaincue qu’elle ne pourra jamais réaliser son projet, l’ouverture dans son lycée d’un nouveau cours d’arts culinaires pourrait toutefois lui donner l’opportunité de montrer ses talents.

Lectorat cible : 13 ans et plus

Autrice : Elizabeth Acevedo

Édition : Nathan, 2021

ISBN : 9782092593981

Prix : 29,95$

Appréciation : J’ai fait l’erreur de lire ce roman sur le chemin du retour après le travail, alors qu’il me tardait de rentrer pour souper dans le confort de mon chez-moi. Erreur et naïveté! Car Sur le vif met l’eau à la bouche avec ses descriptions alléchantes de plats et de saveurs. J’ai adoré! Elizabeth Acevedo a encore une fois (après Signé Poète X) créé un personnage féminin fort, afro-latina, qui se développe et trouve sa voie dans la vie. J’ai aimé suivre Emoni dans son parcours vers l’atteinte de ses rêves, et j’ai admiré sa force de caractère et sa résilience. Emoni doit naviguer dans le monde en tant que femme, en tant que mère-adolescente, en tant que latina, et en voulant percer dans un milieu traditionnellement masculin. Elle aura la force de terminer ses études normalement malgré la naissance de sa fille, elle aura la force d’élever sa fille malgré ses relations tendues avec le père de cette dernière, et elle aura l’envie de suivre sa passion plutôt qu’une voie plus « facile » qui lui apportera plus de stabilité.

À propos de son identité afro-latina, on peut lire plusieurs passage où Emoni nous livre ses réflexions sur le racisme ordinaire qu’elle subit ou encore les difficultés rencontrées à cause de la couleur de sa peau, par exemple lorsqu’elle dit fièrement à une passante que ce bébé est le sien:

« Le sourire s’efface du visage de la dame mais le mien reste fermement en place. J’ai déjà rencontré des femmes de ce genre. Le genre à avoir des idées très strictes sur ce qui rend certaines personnes respectables. Le genre à prendre un air constipé en entendant que Babygirl est ma fille, mais qui aurait de l’empathie si elle était un peu plus pâle. Le genre à voir les cheveux multicolore d’Angelica [son amie lesbienne] et à la traiter de racaille en douce, mais à trouver charmante et créative une ado blanche avec des tresses violettes. Le genre à couper un stéréotype en deux, et à en garder la moitié pour les jeunes Blancs et la moitié pour les jeunes Noirs. Et peut-être que je la caricature, moi aussi. À m’imaginer que je sais très bien quel genre de femme elle est, juste parce qu’il y a des femmes comme ça qui nous donnent de la haine, à moi, à Angelica, à toutes les filles noires ou basanées du quartier, qui remuent la tête et font tss, tss, en nous voyant passer, qui nous rappellent qu’on n’est pas les bienvenues de leur côté de la ville, de leur côté du bus, de leur côté du monde. » (p.380-381).

Emoni jongle avec sa double identité (Noire et Latina) avec l’aisance d’une personne à qui on a demandé depuis toujours de quelle race elle est. Sa grand-mère se revendique noire, même si ces traits sont plutôt typés espagnols et qu’elle parle mieux l’espagnol que l’anglais. Son père ne manque pas une occasion pour lui parler de l’histoire de son île, Porto Rico, et de l’impact négatif qu’a eu la colonisation sur son peuple. Et comme Emoni le dit si bien, « c’est pas parce qu’être noir, chez nous, ça vient avec de la bomba et du mofongo, que ça compte pas. » (p.75) Un livre excellent que vous devez lire si vous voulez vous plonger d’une histoire réfléchie pleine d’espoir. 

À propos de l’autrice : Elizabeth Acevedo est une autrice, poète et slameuse dominicaine-américaine. Elle écrit des romans pour adolescents et jeunes adultes. Elle est née de parents dominicains et a grandi à New York, aux États-Unis. Elle s’identifie comme afro-latina et enseigne au secondaire.

Vous aimerez peut-être : De la même autrice, il y a Signé poète X. Essayez aussi Je ne meurs pas avec toi ce soir et La fille des manifs.

Binti

Résumé : Les Hambis sont parmi les peuples de la galaxie les plus repliés sur eux-même. Binti est une jeune femme brillante, douée en mathématiques et est invitée dans une prestigieuse université… Doit-elle accepter au risque de voir son peuple se détourner d’elle ?

Lectorat cible : 13 ans et plus

Autrice : Nnedi Okorafor-Mbachu

Édition : ActuSF, 2020

ISBN : 9782376862185

Prix : 31,95$

Appréciation : Après avoir dévoré Akata Witch, je peux vous dire que je me suis jetée sur Binti comme une louve affamée! Ce nouveau roman de Nnedi Okorafor ne déçoit pas avec un nouvel univers issu de la science-fiction faisant usage de traditions africaines comme élément premier. Binti est un récit afro-futuriste dont le personnage principal est Himba. Ce n’est pas anodin car la pâte faite de graisse de vache et de poudre d’ocre rouge dont elle s’enduit le corps se révèlera avoir des propriétés guérissantes lorsqu’utilisée sur les tentacules des méduses, ennemies des humains. Binti jouera donc un rôle de médiatrice, tout en poursuivant ses propres rêves. Un roman bien écrit, intéressant, qui plaira aux amateurs de science-fiction et d’horreur. Car oui, dès les premières pages, on assiste à un massacre assez sanglant. Pour lecteurs avertis. À lire de toute urgence! 

À propos de l’autrice : Nnedi Okorafor-Mbachu née le 8 avril 1974 à Cincinnati en Ohio, est une romancière américaine d’origine nigériane de science-fiction et de fantasy. Elle a remporté de nombreux prix littéraires, tels que le World Fantasy du meilleur roman pour Qui a peur de la mort?, le Nebula pour Binti et le Lodestar du meilleur livre pour jeunes adultes pour Akata Warrior. Ses romans afro-futuristes ont charmé des milliers de lecteurs à travers le monde.

Vous aimerez peut-être : Le deuxième tome de Binti: La mascarade nocturne. Essayez aussi Akata Witch, Babel Corp, deux romans de science-fiction avec des personnages afro-descendants.

Les maîtres enlumineurs

Résumé : Tevanne, riche cité, est entre les mains de quatre grandes familles marchandes. La ville doit sa fortune aux secrets de l’enluminure qui a le pouvoir d’agir sur les objets qu’elle recouvre. Sancia Grando a le don de revivre le passé des objets et d’entendre leur enluminure. Elle est engagée pour voler un objet magique qui peut changer l’enluminure et mener la ville à sa perte.

Lectorat cible : 14 ans et plus

Auteurs : Robert Jackson Bennett

Édition : Albin Michel Jeunesse, 2021

ISBN : 9782226441515

Prix : 39,95$

Appréciation : Surprise! Le personnage principal de ce roman est une femme noire. La page couverture, supposé la représenter, est passée complètement à côté. Ce n’est pas la première fois que ça arrive et ça s’appelle du whitewashing: effacer ou remplacer des personnages racisés par des personnages blancs (ici, sur la page couverture). L’auteur Robert Jackson Bennett, un homme blanc, a fait de ses deux personnages principaux des femmes noires (vraiment badass qui plus est!), et l’éditeur francophone a décidé de ne rien laisser paraître sur sa couverture. C’est quand même dommage. Surtout que le roman est vraiment bien écrit, avec un rythme bien soutenu et aucun temps mort. Premier tome d’une trilogie, Les maîtres enlumineurs se termine sur une note qui donne le goût de continuer la série. Il y a aussi le début d’une romance saphique, mais il faudra attendre les tomes 2 et 3 pour connaître où ça s’en va. Je conseille ce roman aux amateurs de science-fiction, de romans avec de la magie et de la technologie, et des personnages féminins forts.

Vous aimerez peut-être : L’enceinte 9, Akata Witch et Horizon, trois romans pour adolescents avec beaucoup d’action et une touche de science-fiction.

Mes coups seront mes mots

L’existence d’Amal, lycéen passionné d’art, est bouleversée le jour où une simple bagarre entre garçons le conduit en prison. Inspiré de l’histoire vraie de Y. Salaam. Prix Walter Dean Myers, catégorie teens, 2021.

Ce roman en vers libres est un véritable coup du coeur. L’autrice haïtienne Ibi Zoboi s’est inspirée de l’histoire vraie du Central Park Five qui a secouée les États-Unis entre 1989 et 2002: 5 adolescents noirs sont arrêtés après la violente aggression d’une jeune femme à New York qui restera plusieurs jours dans le coma et se réveillera avec de graves séquelles. Les médias ont rapidement affirmé que le crime avait été l’oeuvre d’un gang d’adolescents qui s’adonnaient à se qu’ils prétendaient être du « wilding ». En réalité, les médias ont mal interprétés ce que les jeunes de l’époque appelaient « willin’ out »: sortir, s’amuser entre amis. Ainsi, dans l’oeil des médias américains, ce terme est devenu synonyme de rôder, flâner, faire du grabuge, bref, un acte malveillant rapidement associé à la tristement célèbre affaire de la joggeuse de Central Park. Cette histoire vous semble familière? C’est que vous avez probablement vu ou entendu parler de la récente série Netflix When they See Us de la réalisatrice  Ava DuVernay qui reprend aussi cette affaire.

Bien que Mes coups seront mes mots ne raconte pas exactement l’histoire de Yussef Salaam, l’un des cinq adolescents faussement accusés du crime de la joggeuse de Central Park, le personnage d’Amal est inspiré de lui en tant qu’artiste et adolescent incarcéré, soutenu par sa famille, grand lecteur et passionné de dessin pour garder son esprit libre. Le roman est d’ailleurs imprégné de certains des poèmes que Yussef Alaam a écrits pendant son incarcération. Ce dernier a également contribué à l’écriture du livre.

Je vous recommande chaudement ce roman percutant pour la qualité de son écriture et pour la lumière qu’il jette sur le racisme systémique aux États-Unis pour le lectorat francophone. On y aborde des thématiques comme la ségrégation des quartiers blancs et noirs, le Prison Industrial Complex et le mouvement pour l’abolition des prisons considérées comme le nouveau système d’asservissement des Noirs après l’esclavage et dans lequel on dénonce les gains que le gouvernement fait grâce au système carcéral. On y parle aussi de l’adolescence et du passage à l’âge adulte, et surtout, on y parle d’espoir. D’ailleurs, Amal veut dire « espoir » en arabe. Ce roman est tout simplement incontournable. En guise d’extrait, voici le poème JUSTICE AVEUGLE II qu’on peut lire à la page 208-209:

Coup de coeur!

* Prix 2021 du Walter​ ​Dean​ ​Myers, qui célèbre l’héritage de cet auteur de fiction pour jeunes adultes, ainsi que la diversité en littérature jeunesse.

Ibi Zoboi est est une autrice américaine née en Haïti.

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Mes coups seront mes mots
AUTEUR(S) : Ibi Zoboi , Yusef Salaam 
ÉDITION: Gallimard jeunesse, 2021
ISBN: 9782075154208
PRIX: 29,95$
13 ans et plus

Ce livre vous a plu?
Vous aimerez peut-être Signé poète X et Frères, deux romans pour adolescents écrits en vers libres. Essayez aussi My life Matters (plus tard réédité sous le titre de Tyler Johnson était là).

À la vie, à l’amour

Jack Ellison King rencontre Kate au cours d’une soirée et tombe sous son charme. Il espère vivre une grande histoire d’amour avec elle mais la jeune femme décède. Cependant, il est ramené au tout premier soir de leur rencontre, quatre mois plus tôt. Il peut tenter sa chance à nouveau. Premier roman.

J’avais beaucoup d’attentes face à ce roman. J’en avais énormément entendu parler et la prémisse m’intriguait au plus haut point. Recommandé par les grands noms des dernières années en littérature jeune adulte, dont Angie Thomas qui nous a offert La Haine qu’on donne, et Becky Albertalli qui a écrit l’excellent Moi, Simon, homo sapiens (que j’ai adoré!!).Une histoire d’amour avec des voyages dans le temps? C’était bien tout pour me plaire! Dès le départ, on nous dit que Jack Ellison King est le roi du presque, qu’il n’arrive jamais à aller à bout de ses projets, de ses idées, de ses envies. J’avais espéré un arc de rédemption et un développement de personnages un peu plus cohérent. Je ne dirais pas que j’ai été déçue (À la vie, à l’amour est somme toute un bon roman), mais je suis restée sur ma faim. C’est drôle à dire, car avec près de 500 pages, on pourrait croire que ce roman de Justin A. Reynolds serait plus consistant. J’ai parfois trouvé que les personnages avaient des réactions peu appropriées à leur âge et on sent bien l’auteur derrière certains propos. Cela dit, il y a de nombreux passages forts et tristes, ainsi que des passages plein de souffle et d’espoir. C’est vraiment le genre de roman que je lis en me retenant de crier après les personnages « MAIS POURQUOI T’AS FAIT ÇA??? » ou « OMG, es-tu sérieux? VA LUI PARLER!! » 😂

Bref, Justin A Reynolds offre avec ce premier roman un récit engagé, réfléchi, mais peut-être pas assez abouti. Il vaut tout de même la peine d’être lu! Je lirai avec plaisir les prochains écrits de l’auteur (j’ai d’ailleurs déjà repéré la BD de Miles Morales, alias Spiderman, qu’a écrit l’auteur que j’ai de suite ajouté à ma Pile à Lire). J’ai admiré sa soif d’écrire et la manière originale dont il a parlé de l’amour adolescent. Et vous, qu’avez-vous pensé de ce roman?

Justin A. Reynolds est un auteur noir américain.

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À la vie, à l’amour
AUTEUR : Justin A. Reynolds 
ÉDITION: Pocket Jeunesse, 2021
ISBN: 9782266284844
PRIX: 34,95$
13 ANS et plus

Ce livre vous a plu?
Vous aimerez peut-être The sun is also a star (Le soleil est aussi une étoile), Nola Forever, Entre chiens et loups, trois romans d’amour originaux pour le lectorat adolescent et jeune adulte!

Escape book: La malédiction du Baron Samedi

Dans la peau de l’enquêtrice Samantha, le lecteur tente de retrouver Axman, le fameux serial killer de La Nouvelle-Orléans. Emprisonné dans la demeure d’un magicien fou, il doit faire preuve de logique, d’esprit d’analyse et d’un grand sens de l’observation pour s’échapper.

Ces derniers mois, de plus en plus d’éditeurs ont fait le pari du « escape book », le livre duquel il faut s’échapper en récoltant des indices, des objets et en résolvant des énigmes. Dans La malédiction du Baron Samedi, on suit une jeune enquêtrice nommée Samantha sur la piste d’un mystérieux Axeman dans La Nouvelle-Orléans du début du siècle dernier. J’ai été soulagée de constater que l’auteur n’a pas utilisé la religion vodou simplement pour faire peur. Dès le début du récit, on explique ce que sont les vévés (des symboles associés aux esprits majeurs du vaudou, les loas) :

« Le Baron Samedi est à la fois le dieu, le roi ou le chef des morts, un dirigeant macabre mais festif qui accompagne les défunts dans une fête éternelle, et qui se plaît parfois à torturer les vivants. Il est marié à Maman Brigitte, même si j’ai cru comprendre que dans le vaudou, chacun est le mari, l’épouse, le frère ou la cousine d’un autre. Brigitte est également liée à la mort, et si j’ai moins d’information à son sujet, elle semble nettement moins sympathique et beaucoup plus colérique que son comparse. C’est elle qui veille à ce que les vivants honoretn correctement leurs proches décédés, et on la dit sauvage et particulièrement violente avec ceux qui ne s’y appliquent pas. Marinette, enfin, était une sorcière guerrière qui aurait mené la première grande révolte d’Haïti. » (p.30)

Concernant les déplacements qu’on peut faire, on nous renvoie en annexe de l’histoire principale où l’on retrouve un tableau qui fait la liste des déplacements possibles et autorisés. J’aurais tellement mieux aimé une double page avec une image qui rappelle celle des plateaux de jeux de société; cela aurait eu l’avantage d’être beaucoup plus ludique et limpide. Ou encore, pourquoi pas, une carte grand format détachable. Je pourrais faire ce commentaire pour la plupart des mécanismes de jeu du livre: les déplacements, les choix à faire, les actions à poser, les énigmes à résoudre, etc. Le problème, c’est que ce n’est pas excessivement clair. Pour les néophytes, on s’y perd facilement! Il m’a personnellement fallu plusieurs relectures pour m’habituer au ton et à la forme, pour comprendre que là, oui, j’ai un choix à faire même si ce n’est pas clairement indiqué : « Que choisissez-vous? » ou « Que voulez-vous faire? ». J’avoue même avoir failli abandonner à plusieurs reprises devant ce labyrinthe d’énigmes qui n’en sont pas vraiment et dans ces méandres de faux-choix qui m’ont souvent amenée à des culs-de-sac, des chapitres que je n’avais pas l’autorisation de lire parce que je me suis trompée de numéro alors que je n’avais pas senti que j’avais un choix à faire. Bref! On se prend un peu la tête au début. Mais une fois qu’on réussi à se dépatouiller un peu, c’est génial! Bon, évidemment, on peut aussi lire le livre du début à la fin, ne pas faire de choix, et on comprendrait quand même où l’histoire s’en va. Mais quel intérêt? Si vous n’êtes pas autorisé.e à lire un chapitre, alors, jouez le jeu jusqu’au bout et cassez-vous la tête pour tenter de trouver une solution et passer au chapitre suivant!

Attention! même si les illustrations du livre semblent un peu lisses et enfantines, il s’agit réellement d’un livre pour un lectorat assez mature. Dans La malédiction du Baron Samedi, on est sur les traces d’un tueur en série, tout ce qu’il y a de plus gore. Il y a plusieurs scènes de meurtres et même si dans l’illustrations, on ne voit qu’une chambre avec un peu de sang sur les draps, le texte nous détaille bien les corps démembrés et la violence du massacre qui s’est joué dans la pièce. J’ai trouvé cette dichotomie entre les illustrations et le texte un peu décevante, surtout si on veut lire ce livre pour frisonner un peu. Je sais pas, j’ai pas nécessairement envie de me dire « Oh, c’est mignon » en lisant un survival horror.

Il y a plusieurs fin possibles, et dans plusieurs d’entre elles [SPOILERS] Samantha meurt de manières très brutales, voire sadiques. J’ai haussé les sourcils à plusieurs reprises car j’ai attrapé ce livre en pensant sincèrement qu’il s’agirait d’un livre jeunesse pas méchant du tout. [FIN SPOILERS] Alors, sachez-le: La malédiction du Baron ne s’adresse pas aux jeunes enfants, même s’ils sont bons lecteurs et friands de Escape Books ou de livres dont vous êtes le héros. Les éditions 404 (qui ont publié ce livre) ont aussi une collection d’Escape Books Junior qui pourrait mieux convenir aux enfants.

Cette lecture m’a assurément donné le goût de lire d’autres livres de type « Escape book ». Après, bon, je le répète: ne vous fiez pas qu’à la mise en marché de ce livre, il s’agit assurément d’une lecture pour lecteurs avertis. À découvrir!

La malédiction du Baron Samedi
AUTEUR(S) : Christophe Gérard
ÉDITION: 404, 2020
ISBN: 9791032403525
PRIX: 19,95$
14 ans et plus

Ce livre vous a plu?
Vous aimerez peut-être les escape books pour le plus jeune lectorat avec Le collège Infernal ou Le petit chat de l’opéra. Pour les adolescents, essayez Le cercle de Providence, une bande dessinée d’horreur inspirée de l’univers de H. P. Lovecraft.

La fille des manifs

Barbara s’engage pour le climat et la force de son engagement lui vaut de devenir le visage de la contestation. Une interview qui tourne mal et son refus d’accepter une invitation de la présidente lui attire les foudres des médias qui l’avaient autrefois adulée. Pour traverser cette épreuve, elle écrit un journal destiné à Annie, sa grand-mère au destin tragique.

J’ai adoré ce roman. Il raconte l’histoire d’une jeune adolescente qui s’engage avec courage et sincérité pour le climat, et qui va se retrouver presque malgré elle sur le devant de la scène. Sa lutte illustre la pression qu’on met aux femmes qui parlent fort et s’expriment, ainsi que la manière dont on ne prend pas au sérieux la parole des femmes racisées. À ce sujet, elle dit:

« Je reçois régulièrement des messages d’insultes dans ma boîte mail et sur les réseaux. Surtout depuis que ma tête passe en boucle sur les écrans. Là, c’est le grand défouloir. Chacun se permet d’avoir un avis sur mon physique, mes fringues et ma façon de parler. Des journalistes ne manquent pas de mentionner que je suis métisse et que je ne suis pas spécialement une première de la classe mais une lycéenne qui passe un bac pro, sous-entendant que je suis bête et que j’ai du temps à perdre. (p.21) »

L’intersectionnalité entre son statut de métisse et de femme se constate aussi lorsqu’on remarque que la société ne semble pas prête à faire une place aux femmes qui manifestent. À celles qui veulent faire changer les choses. Celles qui osent dire NON. L’autrice aborde de front le double standard qui existe dans le milieu du militantisme: Les hommes sont perçus comme étant lucides et valeureux, alors que les femmes sont perçues comme hystériques et immatures. À cause de son jeune âge, et de son genre aussi peut-être, Barbara se remet beaucoup en question:

« Me voir et m’entendre parler est une épreuve. Je n’aime pas ma tête. Je ne supporte pas ma voix non plus. On dirait que j’aboie. Et mes cheveux qui tirebouchonnent dans tous les sens m’insupportent. Et les mots que je choisis, est-ce que je n’aurais pas dû en prendre d’autres? Les agencer autrement? Est-ce que je suis assez percutante, assez claire? […] J’avoue Annie, que je ne comprend pas vraiment ce qui chose les gens. Pourquoi est-ce qu’ils s’étonne de mon NON à la présidente? Pourquoi est-ce que ce NON les interpelle, les sidère? […] Mon engagement pour la planète ne fait pas de moi une héroïne. Je ne suis pas Rosa Parks qui se battait contre la ségrégation raciale aux États-Unis ni Sophie Scholl qui luttait contre le nazisme en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale ni Wangari Muta Maathai qui s’acharnait à replanter des arbres dans son pays, le Kenya, ravagé par la désertification. Je suis une adolescente comme les autres, une fille qui attend des adultes qu’ils se montrent un peu moins égoïstes et un peu plus matures. » (p.50-51)

Barbara ne manquera pas de faire l’expérience du sexisme. Trop souvent réduite à son genre, perçue comme un objet sexuel sans faculté de réflexion, sa lutte contre le climat éveillera aussi sa lutte pour le droit et le respect des femmes sur la place publique. À travers les mots qu’elle écrit pour sa grand-mère décédée, elle réalisera que la lutte menée par son ancêtre doit être continuée: « Tu es née après la Seconde Guerre et moi bien après l’euro. Je pensais jusqu’ici que des vies comme la tienne nous avaient servie à avancer, que ton existence avait éclairé nos consciences, que les filles étaient désormais comme les garçons, des êtres humains de chair, de sang et de réflexion, et qu’il était révolu le temps où on les considérait comme des petites choses jolies, d’autant plus jolies qu’elles se taisaient. Et, pourtant, je m’aperçois que ce n’est pas tout à fait vrai. » (p. 110)

Le roman, presque trop court, est extrêmement bien mené et porté par une écriture limpide où l’autrice s’efface derrière son personnage, lui laissant tout l’espace nécessaire pour exister. J’ai adoré!

Coup de cœur!

La fille des manifs
AUTEUR(S): Isabelle Collombat
ÉDITION: Syros, 2020
ISBN: 9782748527001
PRIX: 29.95$
13 ANS ET PLUS

Ce livre vous a plu?
Vous aimerez peut-être Sortir d’ici et Signé Poète X, deux romans pour adolescents avec des héroïnes aux prises avec du sexisme ordinaire. Essayez aussi Je ne meurs pas avec toi ce soir, qui raconte une histoire de manifestation pour la justice.

Tiny Pretty Things

Gigi, Bette et June sont danseuses dans la prestigieuse école du Ballet de New York où elles ont du mal à résister à la pression. Gigi, seule Noire de sa classe, est choisie pour le premier rôle, ce qui la met face à la jalousie de ses camarades. Bette doit être la meilleure pour ne pas décevoir sa mère et June se bat pour ne plus être l’éternelle doublure. Roman à l’origine de la série télévisée.

Après avoir lu Les Belles, je voulais absolument donner une nouvelle chance à l’autrice afro-américaine Dhonielle Clayton. Je crois qu’à la base, cette autrice, même si j’aime sa plume, raconte des histoires qui se déroulent dans dans des milieux qui ne m’intéressent pas vraiment. Les concours de beauté ou les écoles de ballet, ce n’est pas ce qui captent le plus mon attention. Cela dit, j’admet sans difficulté que Dhonielle Clayton parvient toujours à amener une dimension sociale qui va au-delà de la superficialité dans ses histoires. Dans Les Belles, c’était un sous-texte politique qui critique le monde capitaliste et dans Tiny Pretty Things, ce sont les enjeux de représentation par des artistes d’une couleur de peau différente du personnage d’un œuvre.

Gigi, danseuse noire, a étudié la danse dans un quartier majoritairement afro-américain dans lequel on ne se souciait pas de la couleur de peau des ballerines; toutes pouvaient jouer des héroïnes pouvant avoir n’importe quelles caractéristiques physiques. Il n’était jamais question de savoir ce qui « rendrait mieux » sur scène. Il n’était jamais question de morphologie (p.24). Lorsqu’elle intègre la nouvelle école dans un quartier beaucoup plus blanc, elle frappe un mur: On la ramènera toujours à sa couleur de peau, on lui refusera des rôles pour cela. Mais quand elle obtiendra le rôle de danseuse étoile pour un spectacle, elle attisera la jalousie des autres élèves.

Le roman est portée par quatre voix et chaque chapitre nous fait lire le récit d’une nouvelle narratrice à tour de rôle. Gigi est décrite comme ayant des « cheveux crépus », une « peau d’un brun clair », des « adorables taches de rousseur » et une attitude nonchalante qui trahit ses origines californiennes. (p.71). Elle s’inquiète parfois que ses cheveux soient poisseux à cause des produits capillaires qu’elle utilise (p.122) ou qu’ils soient rêches au toucher contrairement à ceux de ses camarades blanches. Gigi n’est pas la seule danseuse racisée et June, métissée blanche et asiatique, aura aussi un peu de mal à s’intégrer au groupe des coréennes. À ce sujet, elle mentionnera « Ça n’est pas tellement plus facile d’être la seule danseuse à moitié asiatique. Je ne trouve jamais ma place nulle part. C’est dur. Et Monsieur L. est tellement prévisible… Il attribue toujours les danses folkloriques aux danseurs issus des minorités. La bande de Coréennes interprétera sans le moindre doute la danse chinoise. Mes traits asiatiques ne sont pas suffisamment marqués pour que je me joigne à elles. » (p. 32)

Si vous avez aimé la série Gossip Girl, Quatre filles et un jean, ou, plus récemment, La Sélection de Kiera Cass, vous allez adorer Tiny Pretty Things. Parfait pour le lectorat adolescent! À noter que le roman a été adapté à la télévision par Netflix!

Dhonielle Clayton est une autrice noire américaine.

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Tiny Pretty Things
AUTEUR(S) : Sona Charaipotra & Dhonielle Clayton
ÉDITION: Hachette, 2020
ISBN: 9782016285251
PRIX: 29.95$
13 ANS ET PLUS

Ce livre vous a plu?
Vous aimerez peut-être Les Belles (pour la rivalité entre les personnages), Les pointes noires (pour la place des danseuses noires dans la danse classique) ou L’enceinte 9 (pour le personnage principal fort).