Le concert qui permettrait à Clara d’entrer au Conservatoire va commencer quand ses parents, assis au premier rang, sont soudain chassés de leurs places par le couple Smith. Choquée, Clara est incapable de jouer. Dans son esprit, tout s’emmêle. Les bombes du FLQ ; la Ville, qui projette de raser son quartier, menaçant l’imprimerie familiale ; le courage de Rosa Parks qui a su dire non au Blanc revendiquant sa place dans l’autobus ; les efforts des derniers mois, surtout, à s’exercer sous le regard du tigre de porcelaine. Clara n’a pas fait tous ces sacrifices pour rien. Ce concert est le sien. Les Smith n’ont pas le droit de lui gâcher ce moment. Elle doit se faire respecter. Maintenant !
Ce que j’ai aimé dans ce roman, c’est le contexte historique qui mélange Québec et États-Unis : on y parle du FLQ et de Rosa Parks, d’Oscar Peterson et et du mouvement des droits civiques, de la fermeture du canal Lachine et de Martin Luther King. Ce roman constitue une belle porte d’entrée vers l’Histoire des Noirs, au Canada et chez nos voisins du sud, sur fond de musique classique et jazz. Le texte est assez simple et les 98 pages se lisent d’une traite. Certains jeunes lecteurs auront peut-être besoin d’accompagnement pour accéder au sens et aux références historiques. Un bon candidat, donc, pour une lecture à deux avec vos grands de 10-11 ans!
Le personnage principal, Clara, est issue d’une famille modeste, mais a le privilège d’avoir un piano droit à la maison et de pouvoir suivre des cours avec une voisine, beaucoup plus nantie qu’elle. Cette différence sociale la met parfois mal à l’aise, comme dans ce passage où elle va chez les Smith qui ont un grand piano à queue qu’il lui est interdit de toucher. Soudainement, elle ne se sent « plus la fée musique qui se déplace avec légèreté; mais une va-nu-pieds, lourde, gauche. Une misérable qui traîne. » (p.61)
J’ai été heureuse de lire un passage dans lequel Clara se souvient d’un moment où sa famille, attablée autour d’un bon repas, discute du racisme présent au Québec. On y fait notamment référence à Frederick Phillips, diplômé en droit de l’Université McGill qui, en 1956, réussit l’examen du Barreau et devient ainsi le premier avocat noir au Québec. Par contre, on ne mentionne pas le nom de Phillips dans le texte, et comme on ne sait pas exactement en quelle année se déroule le récit, le lecteur a donc bien peu d’information sur le sujet. Une belle occasion ratée de souligner l’apport de personnes noires au Canada!
À table, Elijah se réjouit qu’un Noir accède enfin au Barreau du Québec. Son propre père, Kyle Dillon, n’avait pu pratiquer le droit au termes de ses études, alors qu’il s’était installé à Montréal pour cela. […] Enfin, après des décennies d’attente, le Barreau du Québec compte un avocat noir. Elijah voit là une preuve que la patience paie. Au lieu de se réjouir avec tout le monde, Brandon explose.
– Ils en ont mis, du temps! Ça fait un bail que les universitaires noirs ne trouvent pas de travail ici et se résignent à gagner leur vie comme concierges, portiers, domestiques. C’est scandaleux!
[…] Elijah plaide qu’il faut du temps pour que les mentalités évoluent.
– Ça demande aussi des gestes concrets et du courage!
(p. 45-46)
Un bon roman sur la persévérance malgré tout, avec de belles illustrations en noir et blanc.
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Le tigre de porcelaine
AUTEUR(S): Danielle Marcotte & Jean-Luc Trudel
ÉDITION: Soulières, 2019
ISBN: 9782896074679
PRIX: 10,95$
10 à 12 ANS
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