Résumé : Craquez pour un livre tout carton qui célèbre l’univers des bébés! Bébé saute, bébé roule; bébé remue et bébé gigote… et on se fait un câlin, tous les deux, pour se dire « Je t’aime du fond du coeur »!
Appréciation : Ce livre aux pages cartonnées ferait un excellent cadeau pour une fête prénatale ou un anniversaire. Les pages cartonnées et souples sont faciles à manier pour les tout-petits. Plusieurs bébés sont illustrés au fil des pages, de diverses origines et teintes de peau. Le texte décrit sommairement ce qu’un bébé fait du matin au soir : se pencher, pivoter, sauter, danser avec ses amis, s’étirer, rire, jouer, etc. L’histoire se termine par une invitation à dormir à la fin de la journée. Recommandé!
Une petite fille remarque que son papy ne part plus à l’aventure comme il avait l’habitude de faire depuis la mort de Grand’pa, son compagnon. Déterminée à lui redonner le sourire et l’envie de voyager, elle a un plan pour remettre en état le camping-car qui dort dans le garage. Un album sur la tolérance, la perte et l’amour.
Quand on parle de diversité en littérature jeunesse et de représentation juste, Le camping-car de mon papy est un excellent cas de figure. Ce livre, c’est d’abord une histoire sur le souvenir, la famille, le deuil et l’amour. Juste ça. Après, on peut mentionner que l’amour perdu dont on parle en est un queer puisque le camping-car de l’histoire était celui d’un papy et de son amoureux avec qui il a beaucoup voyagé. En lisant le livre, on rencontre d’abord la jeune personnage principale qui s’amuse avec son papy et plus loin, ce dernier lui raconte l’histoire de son amour de jeunesse. Le tout est amené très naturellement et sans en faire un plaidoyer pour la cause LGBT+.
Puis, on ne se contente pas de dire que papy est homosexuel, car ce n’est pas la seule chose qui le définit. On s’attarde à ce qui fait de lui un individu unique et ce qui faisait de son amoureux un individu unique. On parle de bonheur et à quel point les deux hommes étaient heureux dans leur petite maison mobile et du sentiment de liberté qu’elle leur procurait. La petite fille donnera un peu d’amour au camping-car pour le remettre en état de marche et créera de nouveaux souvenirs avec son grand-père. Voilà donc une représentation d’une réalité homosexuelle de qualité! Et en plus, l’auteur Harry Woodgate est aussi queer. #OwnVoices! Bravo aux éditions Kimane pour avoir su rendre tangible cette belle histoire qui normalise les familles LGBT+.
Au niveau de la représentation raciale, la petite fille du papy est métissée et l’amoureux perdu de papy est un homme noir. La couleur de peau des personnages ne change rien au récit, mais donne à voir des personnes racisées dans leur quotidien, loin des luttes et discriminations auxquelles elles sont souvent réduites. Chapeau! Ne passez pas à côté de ce merveilleux album!
Coup de coeur!
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Le camping-car de mon Papy AUTEUR(S) : Harry Woodgate ÉDITION: Kimane, 2021 ISBN: 9782368088388 PRIX: 21,95$ 3 À 7 ANS
Jack Ellison King rencontre Kate au cours d’une soirée et tombe sous son charme. Il espère vivre une grande histoire d’amour avec elle mais la jeune femme décède. Cependant, il est ramené au tout premier soir de leur rencontre, quatre mois plus tôt. Il peut tenter sa chance à nouveau. Premier roman.
J’avais beaucoup d’attentes face à ce roman. J’en avais énormément entendu parler et la prémisse m’intriguait au plus haut point. Recommandé par les grands noms des dernières années en littérature jeune adulte, dont Angie Thomas qui nous a offert La Haine qu’on donne, et Becky Albertalli qui a écrit l’excellent Moi, Simon, homo sapiens (que j’ai adoré!!).Une histoire d’amour avec des voyages dans le temps? C’était bien tout pour me plaire! Dès le départ, on nous dit que Jack Ellison King est le roi du presque, qu’il n’arrive jamais à aller à bout de ses projets, de ses idées, de ses envies. J’avais espéré un arc de rédemption et un développement de personnages un peu plus cohérent. Je ne dirais pas que j’ai été déçue (À la vie, à l’amour est somme toute un bon roman), mais je suis restée sur ma faim. C’est drôle à dire, car avec près de 500 pages, on pourrait croire que ce roman de Justin A. Reynolds serait plus consistant. J’ai parfois trouvé que les personnages avaient des réactions peu appropriées à leur âge et on sent bien l’auteur derrière certains propos. Cela dit, il y a de nombreux passages forts et tristes, ainsi que des passages plein de souffle et d’espoir. C’est vraiment le genre de roman que je lis en me retenant de crier après les personnages « MAIS POURQUOI T’AS FAIT ÇA??? » ou « OMG, es-tu sérieux? VA LUI PARLER!! » 😂
Bref, Justin A Reynolds offre avec ce premier roman un récit engagé, réfléchi, mais peut-être pas assez abouti. Il vaut tout de même la peine d’être lu! Je lirai avec plaisir les prochains écrits de l’auteur (j’ai d’ailleurs déjà repéré la BD de Miles Morales, alias Spiderman, qu’a écrit l’auteur que j’ai de suite ajouté à ma Pile à Lire). J’ai admiré sa soif d’écrire et la manière originale dont il a parlé de l’amour adolescent. Et vous, qu’avez-vous pensé de ce roman?
Justin A. Reynolds est un auteur noir américain.
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À la vie, à l’amour AUTEUR : Justin A. Reynolds ÉDITION: Pocket Jeunesse, 2021 ISBN: 9782266284844 PRIX: 34,95$ 13 ANS et plus
Aventurière en devenir, la princesse Amira rencontre la princesse Sadie et la libère de la tour dont elle était prisonnière. À leur grande surprise, elles vont devenir amies malgré leurs différences. Sur les routes du royaume, Sadie et Amira vont joindre leurs forces pour déjouer les plans de la sorcière qui a emprisonné Sadie et l’humilie constamment. Rejoignez Sadie et Amira, deux princesses très différentes, dans leur aventure pour s’accepter telles qu’elles sont et écrire leur propre conte de fées.
D’abord publié en ligne sous la forme d’un webcomic, Princesse Princesse est une bande dessinée pour le lectorat jeunesse qui donne un souffle nouveau au conte traditionnel. La princesse emprisonnée au sommet d’une tour est ici une jeune fille qui ne souhaite pas particulièrement être sauvée par un prince, et c’est plutôt Amira, une autre princesse, qui viendra la secourir, après s’être assurée que la première a réellement besoin d’assistance et souhaite sortir de sa tour.
On sent bien que l’autrice souhaite dénoncer les stéréotypes et remettre en question l’hétéronormativité, mais elle le fait plutôt maladroitement. L’histoire aborde notamment le sujet des relations familiales toxiques. La méchante soeur de Sadie traite cette dernière de pleurnicharde, de grosse et de stupide. Plutôt que d’envoyer promener sa soeur ou, à la limite, dénoncer son manque d’empathie, Sadie dira plutôt qu’elle ne lui laissera « plus jamais [lui] faire croire que c’est une mauvaise chose! » (p. 39). On véhicule donc l’idée qu’il faut s’accepter tel que notre ennemi nous voie. Je me serais plutôt attendue à ce qu’on souligne les forces et qualités de Sadie pour contrebalancer la mauvaise image d’elle que nous donne sa soeur. Ou encore, tourner les défauts lancés comme des insultes en qualités: Ainsi, Sadie ne serait pas pleurnicharde, mais sensible et proche de ses émotions; elle ne serait pas grosse, mais en santé et bien dans sa peau; elle ne serait pas stupide, mais en apprentissage… Bref, j’ai eu un malaise.
De plus, je dois admettre que la trame narrative est somme toute assez mince et manque cruellement de substance. Il y a beaucoup de questions soulevées qui resteront sans réponse. Amira devait être mariée à un prince fortuné par sa famille, mais s’enfuit. Sa famille la recherche-t-elle? Comme s’est-elle débrouillée seule alors qu’elle est âgée de seulement 16 ans? Aussi, je comprend que la soeur de Sadie soit jalouse, mais est-ce suffisant pour expliquer sa grande méchanceté? La famille de Samira sait-elle qu’elle est lesbienne? Comment se fait-il que Sadie et Amira, deux inconnues qui viennent de se renccontrer, finissent pas se marier aussi rapidement et ne sachant presque rien l’une de l’autre? La famille de Sadie n’était-elle pas inquiète de la disparition de leur fille? Pourquoi ont-ils accepté que la soeur l’enferment dans une tour? À noter aussi que le découpage des cases manque de fluidité.
Bon, après, oui, le livre est très très mignon et adorable, les couleurs sont belles. Il y a une fin heureuse comme dans les contes les plus romantiques. On a besoin de plus de livres jeunesse qui disent aux enfants que oui, l’amour c’est aussi entre deux femmes et que non, toutes les princesses n’ont pas nécessairement besoin d’être secourues. Cela dit, j’ai quand même été un peu déçue par ce livre. Je m’attendais à plus. J’ai eu l’impression de lire un brouillon plutôt qu’une version finale.
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Princesse princesse AUTEUR(S): Katie O’Neill ÉDITION: Bliss comics, 2020 ISBN: 9782375782125 PRIX: 27,95$ 7 ANS et plus
Sulwe a la peau noire comme le ciel de minuit. Elle est plus foncée que tous les autres membres de sa famille. Elle est aussi plus foncée que tout le monde à son école. Tout ce que Sulwe souhaite, c’est être belle et avoir le teint aussi clair que celui de ses parents. Mais un soir, une aventure magique dans le ciel lui ouvrira les yeux et changera tout…
Qu’il est rare de trouver des livres jeunesse abordant de front la thématique de la couleur de peau noire. Sulwe parle sans détour du mal-être que peut surgir chez les enfants noirs face à leur couleur de peau, en plus de rendre visible le concept de colorisme. Le colorisme, c’est une discrimination basée sur le teint de la peau qui sous-entend que les peaux claires et brunes sont plus jolies et plus désirables que les peaux foncées et marrons. Le colorisme existe dans les communautés racisées, et pas seulement noires!
Les enfants noirs retrouveront dans ce magnifique album un miroir d’eux-mêmes. Les enfants blancs y trouveront une sensibilité à développer envers les différences. Je le dis souvent et je le redis: les livres avec des personnages noirs ne sont pas que pour les enfants noirs! Développer son empathie, c’est important et cela doit faire partie du développement global de l’enfant. Un enfant qui n’a pas la peau noire (ou même: un enfant qui a la peau noire, mais pas foncée) peut lire ce livre et être capable de se mettre à la place de la petite Sulwe.
En milieu scolaire, vous pouvez prendre le temps de discuter de l’intimidation et des moqueries avec vos élèves en lisant ce livre:
Comment penses-tu que Sulwe s’est senti en se faisant traité de charbon?
Qu’aurais-tu fait si tu avais été témoin d’une telle scène d’intimidation?
Pourquoi penses-tu que Sulwe voudrait avoir une peau plus pâle?
Sulwe signifie étoile. Et toi, que signifie ton prénom?
Trouve trois choses que tu as en commun avec Sulwe.
Pourquoi avons-nous autant besoin de la lumière et de la noirceur?
Nomme deux choses que tu aimes faire la nuit et deux choses que tu aimes faire le jour.
Trouve la définition du mot racisme dans le dictionnaire.
Et toi? As-tu le même teint ou la même couleur de cheveux que tes parents, que tes frères et sœurs?
Le récit est assez triste: cela fait mal de voir une si jolie petite fille se dévaloriser autant. Herueusement, à la fin de l’histoire, Sulwe découvre que la beauté est aussi à l’intérieur, et qu’il ne faut pas attendre que les autres nous trouvent jolie pour savoir qu’on l’est. Elle apprendra qu’elle est belle car elle choisi de l’être, et que sa beauté est quelque chose de précieux à chérir. Les illustrations de Vashti Harrison sont magnifiques. Bref, Sulwe est un très très bon livre que j’ai beaucoup aimé! Fortement recommandé!
Coup de cœur!
Lupita Nyong’o est une autrice kényane.
Vashti Harrison est une illustratrice américaine.
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Sulwe AUTEUR(S): Lupita Nyong’o & Vashti Harrison ÉDITION: Scholastic, 2020 ISBN: 9781443181884 PRIX: 14,99$ 5 ans et plus
Ce livre vous a plu? Vous aimerez peut-être Gros Chagrin ou Pain doré, deux albums qui abordent la thématique de la couleur de la peau. Essayez aussi Lili Rose veut être gentille, un livre jeunesse avec pour personnage principal, une petite fille noire.
L’amour, ça peut être rouge : rouge comme les baisers et les fraises trop sucrées. Mais l’amour, ça peut aussi être rose : rose comme les barbes à papa et les roses du jardin. Ça peut encore être gris souris, bleu comme le ciel en plein été, ou jaune, violet et orangé, voire d’autres couleurs pas encore inventées !
Avec ce petit album carré à couverture rigide, Glénat Jeunesse nous offre une histoire douce qui réchauffe l’âme. Les illustrations lumineuses et colorées accompagnent à merveille le texte qui fait l’analogie entre l’amour et les souvenirs qu’elle évoque: le bleu des yeux de papa, le rouge des cœurs dessinés et offerts à maman, le gris des photographies souvenir de papi… Le personnage principal est une petite fille métissée dont la maman est noire et le papa, blanc. On rencontre aussi deux de ses grands-parents (blancs) au cours de l’histoire. Un beau récit du quotidien tout en poésie, dans lequel la couleur de peau des personnages n’a pas d’importance. Excellent!
La couleur de l’amour AUTEUR(S): Béatrice Ruffié Lacas & Camille Tisserand ÉDITION: Glénat Jeunesse, 2020 ISBN: 9782344039472 PRIX: 17,95$ 2 à 5 ans
Lorsqu’une dispute entre un lycéen noir et un lycéen blanc se transforme en émeute raciale et gagne la ville, Campbell, blanche, et Lena, noire, camarades qui se connaissent à peine, fuient le lycée et traversent la ville ensemble pour aller retrouver le petit ami de Lena. Ces heures angoissantes sont pour elles l’occasion d’apprendre à se connaître et à dépasser leurs préjugés. Premier roman.
J’ai commencé ce roman sans trop d’attentes. Le résumé en quatrième de couverture laissait entrevoir une histoire déjà maintes fois exploitée en littérature jeunesse américaine ces dernières années. La page couverture ne me plait pas particulièrement non plus. Toutefois, j’ai beaucoup aimé ce roman pour son traitement du sujet de manière nouvelle. Plutôt que de s’intéresser aux impacts d’une émeute raciale sur les personnages principaux, les autrices racontent comment se vivent ces événements de l’intérieur. Ainsi, en tout juste 232 pages, c’est un feu roulant qui défile sous nos yeux, des premiers éclats de violence au chaos qui, en une nuit, rapprochera deux jeunes adolescentes que tout oppose et qui devront se faire confiance afin de survivre.
Lena est une jeune fille noire américaine à la mode, qui se soucie avant tout des marques de ses vêtements et de son amoureux. Elle sait qu’un jour, elle sera célèbre. Campbell est une adolescente blanche qui fait tout pour ne pas attirer l’attention. J’ai aimé voir ces deux personnalités se confronter tout au long du roman: La naïveté de Lena et le côté terre-à-terre de Campbell, la conscience raciale de Lena et la manière dont Campbell choisi de ne pas voir ses propres préjugés.
La relation entre Lena et son amoureux pourri, Black, illustre la manière dont on refuse parfois de voir les choses qui sont juste sous notre nez. Ce dernier doit son surnom à sa famille qui le lui a donné, non seulement car il a la peau la plus foncée de la famille, mais aussi parce que enfant, il était toujours d’humeur sombre et calme. À ce sujet, Lena fera le commentaire suivant: « Si Black était une fille, son teint d’un noir intense lui vaudrait des moqueries, et personne ne voudrait sortir avec elle. Toutefois, comme c’est un homme, cette couleur de peau a fait de lui un séducteur. » (p. 28). Ainsi, les autrices n’hésitent pas à aborder un sujet comme le colorisme et le sexisme. On retrouve à plusieurs reprises dans le roman cette conscience raciale, toujours amenée avec doigté.
Tout comme Lena qui s’entête a rester dans une relation amoureuse malsaine alors que son entourage ne cesse de lui dire que quitter Black, Campbell préfère (peut-être inconsciemment) de ne pas voir les tensions raciales, le ghetto, les injustices. Cette nuit d’émeute sera pour les deux adolescentes une manière de s’ouvrir les yeux.
Ce roman à deux voix est écrit par deux autrices américaines: Gilly Segal, blanche, prête sa plume à Campbell, alors que Kim Jones, noire, prête sa voix à Lena. Le roman s’inspire d’un incident qui s’est produit lors des émeutes de Baltimore en 2015. Segal et Jones ont effectué plusieurs recherches afin que ce roman soit le plus proche de la réalité que possible. Elles ont interviewé des agents du SWAT Team pour comprendre les étapes qui suivent les forces armées durant un tel événement. Elles ont aussi rencontré plusieurs survivant.e.s des émeutes de Philadelphia, Los Angeles et Ferguson pour connaître la manière dont ils.elles ont vécu ces événements. Voilà donc un premier roman hautement réussi que je vous conseille vivement!
Kimberly Jones est une autrice américaine. Elle est photographiée ici avec la co-auteure de Je ne meurs pas avec toi ce soir, Gilly Segal.
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Je ne meurs pas avec toi ce soir AUTEUR(S): Kimberly Jones & Gilly Segal ÉDITION: Milan, 2020 ISBN: 9782408009274 PRIX: 24,95$ 13 ANS ET PLUS
Ce livres vous a plu? Vous aimerez peut-être Tyler Johnson était là (publié précédemment sous le titre VF My life matters), ou La Haine qu’on donne, deux romans pour adolescents sur le mouvement Black Lives Matter. Essayez aussi Entre Chiens et loupsde Malorie Blackman, une série fantastique pour adolescents dans lequel les Noirs détiennent le pouvoir et les Blancs sont opprimés.
Harlem. Xiomara a 15 ans et un corps qui prend plus de place que sa voix : bonnet D et hanches chaloupées. Contre la rumeur, les insultes ou les gestes déplacés, elle laisse parler ses poings. Étouffée par les préceptes de sa mère (pas de petit ami, pas de sorties, pas de vagues), elle se révolte en silence. Personne n’est là pour entendre sa colère et ses désirs. La seule chose qui l’apaise, c’est écrire, écrire et encore écrire. Tout ce qu’elle aimerait dire. Transformer en poèmes-lames toutes ses pensées coupantes. Jusqu’au jour où un club de slam se crée dans son lycée. L’occasion pour Xiomara, enfin, de trouver sa voix.
Ces dernières années, j’ai réalisé que j’aimais beaucoup les romans en vers. Encore plus si ce sont ces romans pour ados et jeunes adultes. Signé poète X est exactement l’un de ces romans. Il est écrit par une femme afro-latina et aborde des thématiques contemporaines telles que l’harcèlement sexuel, la détermination de soi, la religion, les relations entre des parents immigrants et leurs enfants qui ne le sont pas, le consentement et le plaisir des femmes.
Xiomara n’a que 15 ans, mais a des seins bien développés et des hanches chaloupées, ce qui lui attire le regard des hommes et bien des gestes déplacés à son égard. Elle est abordée dans la rue. Des mains baladeuses lui touche les fesses. Des hommes âgées tentent de la ramener chez eux. Elle est insultée lorsqu’elle refuse. Le problème pour Xiomara n’est pas son corps, car elle l’accepte et y est à l’aise. Le problème est le fait qu’on l’hypersexualise, qu’on la réduise à ses formes. Pour sa mère, par contre, ce corps donne à Xiomara accès à une vie sexuelle qu’elle condamne. Car si Xiomara est prête à avoir une relation avec un garçon, sa mère la veut chaste et dévouée à Dieu. Ces positions opposées seront à la source de plusieurs conflits entre l’adolescente et sa mère. Xiomara veut être libre et maître de son corps. Elle se sent prête à explorer ses sentiments amoureux et sa sexualité, mais pas n’importe comment et avec n’importe qui, même si la société lui renvoi sans cesse l’image d’une dévergondée. J’ai trouvé que l’auteure a su bien saisir les enjeux du corps et de la sexualité des femmes et des filles: d’un côté on les réduit à leurs formes, on leur dit qu’elles doivent se soumettre aux fantasmes des autres; de l’autre on les pointe du doigt lorsqu’elles souhaitent avoir une vie amoureuse épanouie.
Un jour, une enseignante de Xiomara diffuse en classe la vidéo d’une femme noire qui slame sur scène et qui parle de « ce que ça fait d’être noire, et d’être une femme, et des critères de beauté selon lesquels elle est pas belle. » (p.85). Pour Xiomara, ce sera comme une révélation: « On est différentes, cette poétesse et moi. On se ressemble pas, on vient pas du même monde. Pourtant on est presque pareilles quand je l’écoute. Comme si elle m’entendait. » (p.85) Xiomara est latina et on retrouve quelques mots ici et là en espagnol. La culture dominicaine est bien présente dans la famille, et les enfants en sont fiers. Toutefois, c’est le côté conservateur de la culture familiale avec lequel ils ont plus de difficulté: Xiomara souhait s’émanciper en tant que femme, alors que son frère jumeau doit cacher son homosexualité. La thématique de la différence est aussi abordée dans la relation entre Xiomara et son amoureux, très talentueux en patins à glace, mais qui n’a jamais pu explorer cette passion car son père considérait que c’était une activité féminine inappropriée pour les garçons. À ce sujet, Xiomara écrira avec beaucoup de sagesse:
Il a un sourire triste. Et je pense à tout ce qu’on pourrait être si on nous disait pas que nos corps sont pas faits pour. (p. 207).
Avec une prodigieuse économie de mots et un ton percutant, Signé poète X est un roman fort qu’on lit d’une traite, en une matinée. Je vous le recommande chaudement.
* Prix National Book Award for Young People’s Literature en 2018.
* Médaille 2019 Carnegie pour le meilleur livre jeunesse publié au Royaume-Uni.
Elizabeth Acevedo est une autrice afro-latina. Elle habite aux États-Unis.
Signé poète X AUTEUR(S) : Elizabeth Acevedo ÉDITION: Nathan, 2019 ISBN: 9782092587294 PRIX: 29,95$ 14 ANS ET PLUS
Ce livre vous a plu? Vous aimerez peut-être Frères, un roman pour adolescents écrit en vers. Essayez aussi My life matters et Sortir d’ici.
Dans ce nouvel ouvrage intitulé Toi!, Peter H. Reynolds célèbre avec joie l’individualité et l’importance de rester fidèle à soi-même. Ce texte brillant nous rappelle que chaque enfant est unique et encourage les lecteurs à devenir leur « propre oeuvre d’art » en étant patients, persévérants, sincères… simplement eux-mêmes.
Peter H. Reynolds est l’un de mes auteurs jeunesse préféré. Avec peu de mots, ils parvient toujours à venir me chercher et à évoquer des émotions authentiques. Ses phrases sont simples, mais véhiculent des valeurs importantes. Dans Toi!, il apprend au lecteur ou à la lectrice qu’il.elle est né.e pour être positif.ve, généreux.se, perspicace, empathique, brillant.e, aimé.e, compatissant.e, courageux.se, sensible, persévérant.e… Reynolds met en image des personnages uniques et fabuleux, de toutes origines, qui osent d’être différents.
Toi! de Peter H. Reynolds est le livre qu’il vous faut pour non pas élever une fille géniale ou un garçon courageux. Non, ceci est le livre qu’il vous faut pour accompagner votre enfant à devenir le meilleur de lui-même ou d’elle-même, d’être libre penseur et d’agir humblement pour faire du monde un endroit meilleur. Un très bel album!
Toi! AUTEUR(S) : Peter H. Reynolds ÉDITION: Scholastic, 2020 ISBN: 9781443181075 19,99$ 3 ANS ET PLUS
Comme tous les jeunes du village, Félix rêve de partir en ville, et même en Europe, quand il sera adulte. Vivre loin de Méfomo et de ses cases perdues dans la forêt africaine !Mais un jour, à la rivière, il surprend une fille en train de se baigner. Elle se fait appeler Magali. Elle est belle et sauvage. D’où vient-elle, avec tous ses secrets ? Le cœur de Félix va vite être accroché…
Un court roman de tout juste 87 pages, tout en sensualité et en finesse. Dès les premières lignes, c’est la plume de Louis Atangana qui m’a charmée. Des phrases courtes et percutantes qui nous tombent dessus comme une tonne de briques.
Ma est un personnage intéressant. Alors que son village croit qu’elle est une sorcière, elle ne veut que garder son fils près d’elle. Il y a peu de péripéties dans l’histoire; c’est avant tout le récit de relations, de personnages qui se croisent, se mêlent, s’aiment ou se détestent.
On retrouve plusieurs références au roman Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez et c’est dans ce livre que Félix tente de puiser connaissance et la clé qui fera de lui un homme. Ma est un roman touchant sur le passage à l’âge adulte.
« Ils se turent un instant. Très loin, dans la brousse, un cri déchira la fin du jour. Félix pensa à la Mamie Wata. Existait-elle vraiment? On disait qu’elle sortait du fond de la rivière, la nuit, lorsque la lune était ronde. Elle chantait pour attirer les hommes. Un chant merveilleux. Savoureux. De miel et de vin de palme. Douceur et ivresse. Il ne fallait pas l’écouter si on ne voulait pas être envoûté. Devenir son esclave. Tous ceux qui avaient succombé à son charme avaient été emportés au fond de la rivière. On avait retrouvé leur corps gonflé. Leur âme était restée dans le royaume de la Mamie Wata. Pour toujours. (p.17)
Ma AUTEUR(S) : Louis Atangana ÉDITION: Rouergue Jeunesse, 2012 ISBN: 9782812603075 PRIX: 16,95$ 13 ans et plus
Louis Atangana est un auteur d’origine franco-camerounaise.